Théâtre
[Festival MARTO] Un spectacle-hommage à Giacometti très beau mais très abscons

[Festival MARTO] Un spectacle-hommage à Giacometti très beau mais très abscons

25 March 2016 | PAR Mathieu Dochtermann

Dans le cadre du festival MARTO le Théâtre 71 à Malakoff a accueilli deux représentations du spectacle Hotel de Rive. C’est une oeuvre onirique et surréaliste, d’un abord difficile, qui tente de rendre compte par les moyens du spectacle vivant du paysage mental de l’artiste Giacometti, dont quatre courts textes sont donnés à entendre. Un spectacle très réussi visuellement, très astucieusement mis en scène, mais très exigeant avec son public.

[rating=3]

Né d’une collaboration entre le figuren theater tübingen de Franck Soehnle et la Compagnie Bagages de sable, Hôtel de Rive (en version française, le spectacle ayant été créé en allemand) est une tentative exigeante et audacieuse de rendre compte de l’univers intérieur de l’un des artistes les plus fascinants et les plus complexes du XXème siècle, Alberto Giacometti.

Avec Franck Soehnle aux commandes, il était évident qu’il ne pouvait pas ne pas y avoir du jeu marionnettique dans le spectacle proposé. Mais il était tout aussi évident qu’il explorerait d’autres voies, et, en l’occurrence, une recherche croisée (et fertile) a été faite sur le son et la musique, sur la matière et la lumière, sur le jeu du comédien et son interaction/dialogue avec les marionnettes employées. Le résultat est une forme étrange, un peu onirique, clairement surréaliste, visuellement très réussie, qui habille la déclamation de quelques textes courts issus des écrits de Giacometti.

Disons le tout de suite, le point fort de ce spectacle est sans conteste sa dimension marionnettique. Franck Soehlne n’a pas usurpé sa réputation d’être l’un des plus subtils spécialistes de la marionnette à fils: ses manipulations sont précises, fluides, magiques même lorsqu’il entreprend de faire danser ses créatures dans les airs. Côté plastique, les marionnettes sont très réussies, et, le plus souvent, leur forme s’inspire des sculptures de Giacometti. Même si elles sont parfois petites, le public ne perd rien de leurs détails puisqu’une bonne part du spectacle est capté en direct et projeté sur un écran surplombant les interprètes. Rompant avec les marionnettes filiformes empruntées aux codes esthétiques de Giacometti, une sorte de fantôme squelettique en chemise rappelle R.A.G.E. qui s’est donné il y a quelques mois dans la même salle. Signalons qu’une marionnette arachnéenne particulièrement réussie est utilisée dans le spectacle: arachnophobes, prenez garde!

Le jeu de comédien de Patrick Michaëlis ne manque pas de puissance et de justesse, et son interaction avec les marionnettes, quand elles sont présente, est délicate, à la fois visuellement belle et porteuse de sens. Mais il faut reconnaître que le texte porté est particulièrement ardu, s’agissant de textes surréalistes écrits sans le souci de leur passage à l’oralité. Il ne faut pas chercher dans le spectacle une trame narrative, mais plutôt une impression globale, un sentiment d’ensemble, peint par touches par la superpositions des sons, mouvements, événements visuels, et paroles. C’est un spectacle exigeant, qui demande concentration et lâcher-prise tout à la fois – une recherche artistique poussée et un peu hermétique, qui n’est peut-être pas du goût de tous les publics.

Pour compléter le jeu, deux musiciens jouent sur scène et tout au long du spectacle de divers instruments à vent, dont deux très impressionnants cors des Alpes. Ce choix déconcerte souvent: on ne saurait lui reprocher un manque d’originalité, et il est toujours agréable d’avoir de bénéficier d’une musique produite en directe et qui interagit avec ce qui est présenté sur scène, mais la tonalité de ce qui est donné à écouter tranche un peu violemment avec le reste du spectacle, qui est plus intime et discret.

En résumé, un spectacle qui a toute sa place au sein du festival, avec de magnifiques formes marionnettiques, mais un spectacle qui se risque loin dans l’exploration d’un jeu complexe au service d’une ambiance plus que d’une narration. A réserver à un public averti!

conception et jeu: Frank Soehnle avec Patrick Michaëlis, et les musiciens Jean-Jacques Pedretti, Robert Morgenthaler

collaboration artistique: Enno Podehl

scénographie et costumes: Sabine Ebner

régie technique: Robert Meyer et Christian Glötzner

film documentaire: Claude-Alice Peyrottes

assistante: Irène Lentini

visuels: (C) DR

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Mathieu Dochtermann
Passionné de spectacle vivant, sous toutes ses formes, des théâtres de marionnettes en particulier, du cirque et des arts de la rue également, et du théâtre de comédiens encore, malgré tout. Pratique le clown, un peu, le conte, encore plus, le théâtre, toujours, le rire, souvent. Critère central d'un bon spectacle: celui qui émeut, qui touche la chose sensible au fond de la poitrine. Le reste, c'est du bavardage. Facebook: https://www.facebook.com/matdochtermann

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