Théâtre
[Festival d’Avignon] Sofia Jupither nous fait entrer dans la tête de Sebastian Bosse

[Festival d’Avignon] Sofia Jupither nous fait entrer dans la tête de Sebastian Bosse

14 July 2016 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Nous sommes le 20 novembre 2006 et dans une heure et douze minutes Sebastian Bosse va tuer, en masse, dans l’enceinte de son ancien lycée. Le môme dont personne ne connait le nom a depuis, un nom inoubliable. Lars Norén en a fait une pièce, 20 novembre, et en 2016, Sofia Jupither la met en scène au Festival D’Avignon. 20 novembre 2006-13 novembre 2015, la question du pourquoi est intacte.

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Lars Norén est l’auteur de tragédies, quelles soient familiales (Les démons) ou liées à l’actualité (Froid). Avec 20 novembre, écrit juste après la tuerie, il nous fait entrer dans la tête du tueur, venant ici tenter de répondre à l’unique question que tous nous nous posons après un attentat ; “Pourquoi ?”. Pourquoi un gamin vrille-t-il en quelques mois, peut-on empêcher cela ? Comment ?

Le magistral David Fukamachi Regnfors est seul en scène et il le restera. Il se filme et l’écran est face à nous, écrasant la réalité, l’humain, au profit de l’image. Cela renforce la folie du geste. On découvre un môme attachant, qui n’a aucun problème de famille mais qui est le bouc émissaire des bad boys du lycée qui le sadisent jusqu’à lui faire manger du sable.

Il en crève lui de cette situation, d’être le “looser” comme il se définit. Il en crève de ne pas tout avoir : le dernier sac, le bon blouson… Et aussi de n’avoir jamais embrassé une fille ? Est-ce que l’on tue pour cela ? Non.

Ce que montre l’enquête de Norèn, c’est qu’il se sent persécuté sûrement au-delà de la réalité. Le comédien s’installe pendant l’entrée du public, déroule un grand tapis de kraft, pose son grand sac et son masque à gaz, branche la camera et nous parle, sans cesse, beaucoup. Sa logorrhée est en soit un symptôme de sa folie.

“Je suis là, je vous regarde”, “Maintenant le looser a pris la parole”, “Qu’est ce que j’ai à perdre : rien”… C’est un gamin à qui on  a envie de dire (et certains dans le public l’ont dit à haute voix) “Reste avec nous”. La violence est ici inouïe car elle nous met face à notre incapacité à éviter le pire. Le comédien porte un tee-shirt Smile, des baskets. Il incarne un tueur de  17 ans. 17 ans putain.

La mise en scène de Sofia Jupither est admirable, elle joue de l’intensité de la lumière, des arrêts sur image et dirige son comédien dans ce huis clos de façon parfaite dont elle saura sublimer la fin tragique.

Il était évident qu’il fallait montrer ce travail. Lors de la dernière édition, le Festival avait été sourd suite à l’attentat de Charlie Hebdo, cette année, le fil conducteur, qui est la guerre permet des résonances et des questionnements excessivement pertinents et percutants au cœur d’une année terrible.

Visuel : 20 Novembre – Sofia Jupither – (c) DR

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