Théâtre
[Festival d’Avignon] Lars Eidinger, fascinant bouffon et roi dans Richard III

[Festival d’Avignon] Lars Eidinger, fascinant bouffon et roi dans Richard III

13 July 2015 | PAR Christophe Candoni

[Reprise : Vendredi 14 et Samedi 15 AVRIL À 20:30, dimanche 16 AVRIL À 17:00 à la Maison de la Culture, Salle Jean-Cocteau. A la Comédie de Clermont-Ferrand Scène Nationale. Informations ici]

Sans hisser son Richard III au niveau de l’anthologique Hamlet qu’il avait présenté dans la Cour d’honneur en 2008, Thomas Ostermeier retrouve à Avignon Shakespeare, son auteur de prédilection et Lars Eidinger, son acteur fétiche, une fois de plus délirant. La combustion de ses génies fait forcément des étincelles.

Le metteur en scène berlinois est comme chez lui au Festival d’Avignon. Ostermeier y est un peu un pape, il est adoré, vénéré. Les places s’arrachent pour applaudir le Richard III qu’il a créé à la Schaubühne en février dernier et qu’il présente pour la première fois en France. Depuis une semaine, le spectacle reçoit un triomphe absolu.

L’entrée en matière sensationnelle propulse acteurs et spectateurs dans une débauche de sons (les secousses électrisantes d’un batteur déchainé) et de confettis qui tombent par trombes. Entre les robes du soir et les smokings d’un personnel politique jet-setteur, une silhouette laide et difforme se distingue, celle de Richard qui adopte les traits d’un Quasimodo casqué de cuir.

Par la suite, la mise en scène sera d’une facture plutôt classique. Le beau décor sur étages est tout droit inspiré du Globe, le théâtre londonien de Shakespeare. Sa scène semi-circulaire et recouverte de terre offre un espace de jeu libre ainsi qu’une proximité avec la salle que les acteurs déchaînés investissent en toute connivence avec les spectateurs.

La première partie pourtant très efficace parait un peu longue et calme à l’image de la rencontre assez pâle entre Richard, nu comme un vers, et Lady Anne sur le cercueil même de son mari, Henri VI, fraîchement assassiné. Le spectacle devient vraiment incandescent lorsque Richard récupère la couronne.

L’époustouflant acteur qu’est Lars Eidinger réinvente complètement le rôle-titre qu’il joue comme un enfant tyrannique, effronté et humilié. Totalement acariâtre et manipulateur, il jubile de tout casser, saccager, de se déshabiller pour exhiber son infirmité de naissance plutôt que de la camoufler. C’est toute l’ambivalence séductrice et destructrice du personnage formidablement exploitée. L’acteur très charismatique est plus encore qu’un monstre sanguinaire, il devient une véritable créature, attirante et dérangeante. Très introspectif, Richard se confie dans un micro pendu à un fil qui ne quitte pas le centre de la scène. Il s’adore comme il se déteste. Et il joue à repousser les limites pour plaire. Accroché à une lanière, il se suspend dans le vide grisant et survole la salle comme une star adulée. Plus tard, il finira pendu tête en bas aux cintres du plateau, rappelant la carcasse de truie livide de Mass für mass.

La fin est magistrale. Richard n’est pas sur le champ de bataille contre les troupes ennemies de Buckingham mais couché sous une pelisse et délire en cauchemar. « Mon royaume pour un cheval ! » lâche-t-il froidement inquiet dans les troubles de son sommeil. Somnambule agité, il se lève et se saisit d’un fleuret prêt à combattre d’invisibles ombres chimériques comme ses propres démons intérieurs.

Bouffon et roi, c’est ce qu’on retiendra de ce Richard III, évidemment scélérat souverain mais aussi garçonnet affreux et fragile qui fascine et émeut même. Lars Eidinger est un acteur incroyablement fauve, sensible, sensuel, capable de se livrer comme une bête de foire lâchée dans l’arène. A l’image de son Richard d’une effrayante séduction, la mise en scène d’Ostermeier restitue toute la noirceur, le mal, l’enfer, le chaos de l’oeuvre en procurant une jouissance évidente.

Visuel : Richard III © Christophe Raynaud de Lage

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