Théâtre
Au Festival d’Avignon, Ivo van Hove dans les ravages du temps

Au Festival d’Avignon, Ivo van Hove dans les ravages du temps

17 July 2018 | PAR Christophe Candoni

En adaptant le romancier néerlandais Louis Couperus dans une esthétique funèbre et glacée où pèse concrètement la finitude, Ivo van Hove sonde les non-dits familiaux et offre une méditation sur l’existence.

Revenu au festival d’Avignon après le succès des Damnés mais cette fois avec sa brillante troupe du Tonnelgroep Amsterdam, Ivo van Hove n’offre pas de création cette édition. Il s’attaquera à la rentrée aux adaptations scéniques d’Une vie comme les autres, le beau roman de Hanya Yanagihara puis du mythique Mort à Venise de Visconti entre autres projets dont le plus fou sera de réinventer à Broadway un West Side Story avec sa compatriote Anne Teresa de Keersmaeker. De dingen die voorbijgaan est le deuxième volet d’une trilogie entamée en 2015 au festival de la Ruhrtriennale en Allemagne. Par un concours de circonstances un peu maladroit, les spectateurs parisiens ne découvriront De stille kracht (l’opus inaugural) que la saison prochaine à la Villette.

Entre deux longues rangées de chaises qui se font strictement face sur un carrelage clair et austère et sous l’oppressant tic-tac d’une horloge sonore, c’est un cortège de sévères silhouettes rabougries, corps froids dans des longs manteaux noires mais non dépourvus de noblesse, qui prend place dans une lenteur quasi chorégraphiée. Plusieurs générations se rencontrent. Une même famille rongée, gangrenée, par un passé trouble émaillé de lourds secrets, où amour et haine combinés ont ouvert un gouffre de failles et de culpabilités dont le traumatisme est impossible à réprimer. Au centre, la grand-mère trône en majesté au côté de son vieil amant. La comédienne Frieda Pittoors est impressionnante d’autorité et de douleur rentrées

Toute la troupe est comme toujours au diapason de l’excellence. Aus Greidanus jr. est remarquablement sensible dans le rôle du neurasthénique Lot qui ne peut se résoudre aux affres du temps. Il conjure son angoisse existentielle dans la quête d’un hédonisme à tout crin. S’il rejette le déclin du corps, la flétrissure de l’être, il se jette à corps perdu dans la jouissance, transformant sa lune de mil en jeu érotique avec bulles de champagne et crème chantilly.

Est-ce le texte de Couperus, inconnu en France, ou son adaptation par Van Vove qui donne son rythme lancinant et son ton répétitif ? Malgré quelques redondances, on note de belles évocations de la vieillesse, de la hantise de la décrépitude. Van Hove mâtine son propos d’une composition musicale envoûtante et d’images fortes et sublimes comme cette fumée blanche qui envahit le plateau et avale les corps ou cette chute drue de neige couleur de cendres, profondément tragique.

De Dingen Die Voorgijgann © Christophe Raynaud de Lage

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