Théâtre
[Festival d’Avignon] Het Land Nod, une belle peinture du chaos

[Festival d’Avignon] Het Land Nod, une belle peinture du chaos

16 July 2016 | PAR Christophe Candoni

Dans une salle de musée tombée en désuétude et sous le regard d’un Christ en croix peint par Rubens, les artistes du FC Bergman, jeune et formidable collectif anversois associé au Toneelhuis, trouvent un espace-refuge où se déploie un imaginaire fantasque et mélancolique. Un théâtre d’images de toute beauté qui dit la violence chaotique du monde.

Un grand espace rectangulaire aux murs gris, nus et miteux. Tout commence par le choc visuel qu’est la reconstitution d’une célèbre salle du musée des Beaux-arts d’Anvers, sinistrement décrépite avant sa rénovation. Un seul tableau demeure : un grand format au motif religieux signée du peintre baroque flamand. Peu maniable malgré l’ardeur des ouvriers précautionneux qui s’affairent à la décrocher, la toile invite à la contemplation d’étranges présences silencieuses et errantes, le vague à l’âme, en fuite ou en perte : un homme traînant sa silhouette malingre allume une cigarette et se défait de ses vêtements détrempés, une jeune fille, en impair clair, urine et s’évanouit d’émotion sous le regard hagard des gardiens de salle, un commissaire maladroit suspendu à une haute poutre fait un numéro d’équilibriste clownesque pour tenter de regagner le sol, un homme plus âgé, en smoking, dépose par poignée feuilles automnales, neige d’hiver, pétales printanières, sable estival. Le temps file autant qu’il se suspend. Des touristes chinois se prennent en photo devant l’unique œuvre exposée tandis que la jeunesse insouciante et embrasée, entreprend une course folle dans le musée pastichant ainsi les personnages de Godard et Bertollucci.

Un sentiment de perte, de délitement, de dévastation s’impose avec force mais se voit transcendé par l’humour burlesque et absurde dont usent les interprètes belges au jeu très physique et désinhibé confrontés à la menace et l’incertitude. La pièce muette repose sur la mise en scène de situations toutes simples et franchement drôles et décalées. Tout étonne et échappe dans cet univers où le chaos advient. Sous les décombres et les intempéries, l’espace s’apparente à une photographie apocalyptique de Gregory Crewdson.

Cet état déglingué du monde dont le pays de Nod est l’allégorie se trouve magnifié par des images saisissantes de beauté plastique et poétique. Inventive et inspirée, cette forme de théâtre à la fois intime et démesurée est totalement stimulante. On replongerait bien dans l’univers aussi intriguant que séduisant des FC Bergman, une belle découverte au festival.

© Kurt Van der Elst

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