Théâtre
[Festival d’Automne] L’auberge de l’obscurité, petit bijou de poésie et d’humour nippon

[Festival d’Automne] L’auberge de l’obscurité, petit bijou de poésie et d’humour nippon

18 September 2016 | PAR Araso

Pour cette rentrée artistique, le Festival d’Automne à Paris nous offre un petit trésor venu du Japon: Avidya – L’Auberge de l’obscurité est une fable moderne venue tout droit du pays de l’étrange orchestrée par un psy qui ne manque pas d’humour. Charmant et impayable. 

[rating=5]

Ca commence comme un film Japonais: lent, très lent. On y entre comme dans les bains vaporeux de cette station thermale perdue dans les sommets. Nichée dans une végétation plantée là comme pour cacher les secrets des présences fantomatiques saisonnières s’y trouve la fameuse auberge.

Y débarque un impossible couple de marionnettistes, le fils et son père nain qui, du haut de ses quelques centimètres et 23 kilos tout mouillés arbore une fière chevelure de samouraï. Ils se parlent peu, voire pas. On sait simplement qu’une mystérieuse lettre les a conviés à se produire dans l’auberge qu’ils trouvent déserte. A l’exception de quelques âmes esseulées: deux geishas qui courent les banquets voisins et cuvent leur ivresse la nuit tombée, Matsuro l’ancien ouvrier devenu aveugle tout aussi bavard que timoré, un gardien des bains aussi muet que corpulent et une vieille femme qui n’attend plus personne.

Le décor, une maison de poupées, -sublime scénographie de Michiko Inada,  révèle au fur et à mesure les tranches de son anatomie et les turpitudes de ses locataires : l’ennui, la lassitude, l’amertume, la solitude, l’obsession d’enfanter, la peur, la curiosité, l’envie et la jalousie. Rien ne s’y passe et elle est le point de départ de tous les fantasmes, le paradis où pour vivre heureux on vit caché. L’arrivée du couple étrange perturbe en profondeur cette micro-société en marge de la civilisation. Les angoisses profondes remontent, les névroses sont exacerbées par les bains où tous se mettent à nu.

On sent le psychologue confirmé chez Kurô Tanino, l’auteur et metteur en scène de cette ménagerie aussi drôle que dérangeante. Il observe avec un oeil aussi cru qu’amusé ses personnages comme des animaux dans un laboratoire. En bon marionnettiste, il manipule ses pantins qui se prêtent au jeu non sans plaisir. Le spectateur lui-même est dans la posture du voyeur qui regarde des sujets s’agiter dans un espace confiné, en se demandant en permanence si le sens lui échappe parce qu’il n’a pas les codes ou parce qu’il n’y a rien à comprendre. Très vite, il devient le jouet de l’intrigue qui se dénoue sans que l’on s’en aperçoive, portée par des interprètes énormes dont l’impayable Mame Yamada, qui sous son costume noir cache un slip Titi et un humour caustique. Sa monstrueuse marionette hérisse, intrigue et leur relation fait à n’en point douter le régal des psychanalystes, Kurô Tanino en tête.

Une compagnie à suivre et un travail à revoir d’urgence, à l’occasion d’une prochaine tournée.

Visuel © Shinsuke Sugino

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