Théâtre
Etgar Keret à la Comédie Française

Etgar Keret à la Comédie Française

04 April 2017 | PAR La Rédaction

« Le silence me met mal à l’aise. Si nous étions plus proches, je pourrais peut-être me taire avec lui » Seul en scène sur les textes d’Etgar Keret, interprété par Noam Morgensztern dans le cadre du festival SINGULIS au Studio théâtre de la Comédie Française.

Le plus aisé serait de commencer à écrire un article en partant de Noam Morgensztern, le comédien-Metteur en scène. Il commence son spectacle en s’adressant au public avec un micro à la main, dans une petite salle, comme pour donner au public l’envie de se plonger dans l’univers de l’auteur. Ceci aurait pu être étonnant, mais ce n’est pas sans oublié que Noam Morgensztern au-delà du fait qu’il ait reçu une formation de comédien complète du Conservatoire Nationale d’art dramatique de Paris et à la Cie Umbral, est aussi à la fois musicien et ingénieur du son. Le fait de parler au micro, en disant des textes de cet auteur, nous confronte à son monde directement, le son est partout il n’est pas juste en face de nous. Noam Morgensztern utilise le micro pour approfondir les caractères des personnages qu’il incarne et aussi pour interpeller le public. Le micro n’est pas accroché à la cravate mais il est à la main comme s’il s’agissait d’un happening politique, encore une fois très à la mode en ce moment.
« Une histoire gagnante ne se contente pas de raconter, elle écoute »
Mais il nous raconte quoi ? Des mensonges ? Ce spectacle est une série de petites histoires, et je ne vous raconte pas la fin, ni les rebondissements, ni comment ça se termine, qui dure un peu plus d’une heure, sur des personnages qui vivent en Israël. Alors une fois que l’on sait où sont les personnages, et le titre du spectacle, ( Au pays des mensonges, nouvelles, trad. Rosie Pinhas-Delpuech, Actes Sud, 2011) On ne peut que se poser la question. Quel est le lien entre le mensonge et Israël ? La réflexion est ouverte.

Cette réflexion nous emmène à réfléchir sur l’absurdité de la vie, sur l’absurdité de la nature Humaine qui réussissent à te faire accepter tout ce que la nature a d’angoissant, de troublant, de contradictoire, de paradoxale; Noam Morgensztern parle de « magouilles » et je suis assez d’accord avec lui, nous sommes obligé de magouiller avec la vie pour être semble-t-il heureux. La guerre et ses « dégâts » sur l’humain sont bien sûr, un des éléments les plus importants pour expliquer ces paradoxes. Comment s’émanciper dans un pays en guerre? On pourrait presque penser que c’est une pensée des années 60.
Chez Keret, un point qui pourrait paraitre discutable chez certains et salutaires chez bien d’autres c’est de rendre d’une façon responsable de notre propre médiocrité de vie, la relation de couple et tout ce qui gravite autours, en d’autres termes, le mot « amour », pour lui, n’aurait de sens que s’il est fugace et instantané ? La réflexion pourrait être louable, mais les mots s’embourbent dans une certaines vulgarité tel que quand il parle de la relation à la femme je doutais que le “louable” de la réflexion soit attendu. Pourtant, Noam Morgensztern joue sur cette contradiction également et bien sûr, il dérange, il dérange car le public réagit, il ne le sait pas car il ne le voit pas. A ce moment là, il ne le voit pas. Il ne voit pas le public réagir à la violence des propos. Comme si cette violence faite aux femmes, on ne la voit pas, mais on sait qu’elle existe, histoire de nous confronter à notre propre silence, à nos propres mensonges. Tous ces personnages ne sont pas dans le pays des mensonges tel qu’il pourrait nous paraitre mais le pays des mensonges est celui est là où nous tous nous vivons, car les personnages qui sont joués ne sont pas propre à Israël, les personnages nous interrogent sur la façon dont on perçoit la réalité.
Ces réflexions sur le sens de la vie sont apportées par Noam Morgensztern avec un grand talent, qui va chercher dans « l’interdit » un sens dramaturgique dans un lieu bien castrateur qu’est l’institution Comédie Française. A voir et même à revoir car selon lui le spectacle n’est jamais le même tous les jours, un bon pitch pour retourner au « pays des mensonges ».

Par Isaac Marlow

Les textes interprétés sont extraits des recueils Un homme sans tête, Au Pays des mensonges, Crise d’asthme et Pipelines d’Etgar Keret, traduits de l’hébreu par Rosie Pinhas-Delpuech et publiés chez Actes Sud.

Au Pays des Mensonges
d’Etgar Keret adaptation,
interprétation Noam Morgensztern
lumières Philippe Lagrue
musiques originales Théophile Blanckaert
29 mars > 9 avril à 20h30 du mercredi au dimanche

Visuel : ©Vincent PONTET, Collection Comédie Française

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Christophe Candoni
Christophe est né le 10 mai 1986. Lors de ses études de lettres modernes pendant cinq ans à l’Université d’Amiens, il a validé deux mémoires sur le théâtre de Bernard-Marie Koltès et de Paul Claudel. Actuellement, Christophe Candoni s'apprête à présenter un nouveau master dans les études théâtrales à la Sorbonne Nouvelle (Paris III). Spectateur enthousiaste, curieux et critique, il s’intéresse particulièrement à la mise en scène contemporaine européenne (Warlikowski, Ostermeier…), au théâtre classique et contemporain, au jeu de l’acteur. Il a fait de la musique (pratique le violon) et du théâtre amateur. Ses goûts le portent vers la littérature, l’opéra, et l’Italie.

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