Enfance maudite, bitume écossais et art vidéo pour un “MayDay” joliment mis en scène par Julie Duclos à la Colline
Après Nos serments, la belle adaptation de La maman et la putain de Jean Eustache, Julie Duclos poursuit son travail entre théâtre et cinéma avec MayDay du 23 février au 17 mars 2017 au Théâtre National de Colline. Sur un texte de Dorothée Zumstein, c’est à la fois l’enfance et la filiation qui sont mises en question dans un univers à la Dickens.
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Une femme d’âge mûre tricote et attend son mari et sa fille. Un coup de fil fait remonter un passé secret et terrible : A 11 ans, la petite Mary, alias May, a assassiné, comme un jeu, deux petits garçons. Mise en détention, faute de structure adéquate pour la prendre en charge, elle n’est jamais vraiment sortie de prison mais raconte enfin, pour prévenir et essayer d’expliquer ce qu’il y a dans la boîte noire d’un enfant criminel : ce qui en sort, c’est la filiation, les lignes de failles féminines d’une famille maudite et pauvre de roman écossais populaire, sublimées par la poésie du désir et de l’enfance, qui perdurent malgré tout.
Dans un décor surélevé et qui tient autant de la ruine que du plateau de cinéma, une chaîne de femmes se succède en ordre inversé sous l’œil de la narratrice (magnifique Marie Matheron)qui tire comme un jeu de marionnette, les fils du passé. Dans la veine du travail de Katie Mitchell, et à la suite de la mise en scène qu’elle avait imaginée pour Nos Serments, Julie Duclos utilise la caméra comme un révélateur de scènes qui se jouent à l’abri du décor, dans l’intimité de la cuisine ou dans l’isolement de la rue. Très esthétique, porté par de sublimes actrices, MayDay interroge le destin d’une lignée de femme pour nous attraper – du côté noir et inquiétant de la force- là où l’imaginaire est le plus sensible : l’enfance. Un spectacle plein d’empathie et qui nous plonge par des moyens contemporain dans l’univers “rag to riches” dans le quotidien de l’Angleterre (ou plutôt l’Ecosse) industrielle.
MayDay de Dorothée Zumstein, mise en scène Julie Duclos, avec Maëlia Gentil, Vanessa Larré, Marie Matheron, Alix Riemer, Bino Sauitzvy, 1h45.
visuel : © Calypso Baquey