Théâtre
“De l’influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites” au Théâtre de l’Atelier

“De l’influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites” au Théâtre de l’Atelier

21 December 2015 | PAR David Rofé-Sarfati

Ceux nombreux, qui ne connaissent pas l’adaptation à l’écran par Paul Newman (voir notre chronique) de cette pièce créée en 1964, adaptation qui a valu à Joanne Woodward en 1973 le prix de la meilleure actrice au Festival de Cannes en 1973, risquent de manquer cette pièce qui est une très belle surprise.

[rating=5]

 

L’affiche et le titre sont trompeurs. Isabelle Carré n’y joue pas une fois de plus une gentille candide et la pièce consiste en un authentique et noir drame psychologique. Isabelle Carré reprend ici le rôle de Woodward dans une composition étonnante d’une mère célibataire abandonnée par le père de ses filles et qui l’avait déjà été par son père.

Dans les années 1970 Béatrice rêve d’ouvrir un salon de thé alors qu’elle élève seule et dans l’indigence ses deux filles. La timide Matilda “Tillie”, jouée par Armande Boulanger entre fragilité et détermination, prépare une étude sur les graines exposées à la radioactivité pour un concours de science. Elle est constamment contrariée par sa mère abusive et par sa sœur Ruth soumise à la volonté de la mère,  jouée par Alice Isaaz magnifique dans cette proposition d’une lolita douce amère. Tillie remportera le concours de science grâce à sa persévérance et sa mère se rapprochera de la folie. Tillie à la fin, car le propos même sombre se veut optimiste continuera à croire que la vie est belle et précieuse.

La pièce de Paul Zindel parle de cruauté, d’amour, d’égoïsme et de souffrance. Dans l’ambiance étouffante de la mise en scène et par le jeu rigoureux d’Isabelle Carré, nous explorons la description quasi complète et académique de ce qu’est une mère abusive et toxique. Dans l’univers de Béatrice, les hommes sont toujours abandonnant, absents ou disqualifiés comme le directeur du collège. Elle refuse de vieillir. Elle a toujours quelque chose à demander à ses filles, un ordre à faire exécuter par elles. Elle est meurtrie narcissiquement. Elle dénigre les espérances de ses filles alors qu’elle se rêve toujours une autre. Elle jalouse leur jeunesse et leurs projets. Singulièrement, et c’est le trait cardinal d’une mère abusive, elle expose son corps. Béatrice fume, boit, s’habille de plumes, se donne à voir, réclame sans cesse à sa fille de lui gratter le dos. Son corps est là qui veut annuler le corps de ses filles. Isabelle Carré est épatante dans cet emploi. Dans une scène frissonnante elle traverse sous le regard de ses filles la pièce en sous vêtements blancs et tristes; nous restons confondus; elle est Beatrice, une Béatrice qu’on aime déjà par compassion mais qui nous fait peur. Elle est magnétique. Les deux comédiennes Alice Isaaz et Armande Boulanger réussissent leur emploi nous procurant un plaisir immense d’autant qu’il n’est pas aisé de jouer en face d’une Isabelle Carré magique et fascinante.

A ne pas rater donc en oubliant l’affiche.

Jusqu’au 23 janvier 2016. Du mardi au samedi à 19h00, matinée le samedi à 17h00.

Avec : Isabelle Carré, Alice Isaaz, en alternance Lily Taïeb – Armande Boulanger.

Photos ©Christophe Vootz

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