Théâtre
Conférence au sommet avec Lena Kitsopoulou

Conférence au sommet avec Lena Kitsopoulou

21 May 2018 | PAR Bertille Bourdon

Elle avait déjà revisité Le Petit Chaperon Rouge lors des Chantiers d’Europe en 2014. Aujourd’hui, c’est à une autre figure féminine mythique que la metteure en scène grecque Lena Kitsopoulou s’attaque : Antigone ou plutôt, à son héritage dans la société grecque, et plus largement européenne. Pas une simple relecture du texte de Sophocle, c’est sûr, mais quoi au juste ?

Pour débattre d’Antigone donc, un symposium des plus surprenant est organisé au théâtre des Abbesses. Quatre skieurs en tenue semblent plus prêts à descendre la piste qu’à mener un colloque sur Antigone. Qu’importe, contre ce préjugé qui voudrait qu’ils ne soient pas les plus aptes à saisir les subtilités de la pièce antique, ils s’essaient pendant un bon moment à démontrer la place centrale qu’occupe Antigone dans la pratique du sport de glisse. On est d’accord, « Créon fait respecter la loi. Le ski a des lois. Point barre. » Est-ce qu’Antigone aurait pu échapper à son destin funeste? se demandent les quatre athlètes. Oui, car si elle avait eu pour passion le ski dès son adolescence, elle aurait sûrement eu mieux à faire que de courir les cimetières la nuit. Réflexion aussi, inévitable, sur la politique, entre « ceux pour qui Créon est un connard » et ceux pour qui il est nécessaire. Chacun à sa position, mais elle change à chaque instant – oui, savoir s’il faut des lois pour régir la cité est une question difficile à trancher.

Cette conférence burlesque devient vite terrain de la violence, où l’intime du corps de la skieuse – son avortement avec un bâton de ski en pleine descente, en l’occurrence – est exposé et se matérialise par un bout de viande lancé sur l’affiche blanche annonçant la conférence. À partir de là, on se demande où l’absurde veut nous mener. Réponse : dans les coulisses d’un théâtre, où se rejoue le mythe d’Antigone. On y est entraîné par un film projeté (signé Lena Kitsopoulou et… Fassbinder !), dispositif scénique qui finit par lasser. Pourtant, ce qui s’y joue ne manque pas d’intérêt sur le papier : une relecture du texte antique, grotesque, absurde, railleuse qui désacralise le mythe et son commentaire (voir la propre fille d’Œdipe provoquer son père et moquer ses complexes était plutôt jouissif.)

Finalement, on est un peu comme cette Antigone qui erre dans ces longs couloirs marbrés, il y a des surprises sur le chemin mais on ne sait pas trop où l’on nous emmène.

Visuel : ©Lena Kitsopoulou

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Bertille Bourdon

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