Théâtre

Catherine Hiegel crie l’amour d’une mère esseulée pour son fils dans la dernière pièce de Florian Zeller

01 October 2010 | PAR Christophe Candoni

Alors que le succès de sa mise en scène de L’Avare avec Denis Podalydès se poursuit joyeusement à la Comédie-Française, Catherine Hiegel débute une nouvelle carrière : plein de projets de théâtre et de nouveaux horizons l’attendaient loin des plateaux de la maison de Molière. Elle a dit un adieu douloureux à la troupe puis s’est trouvée une nouvelle famille avec son ami Marcial Di Fonzo Bo (qui l’avait déjà dirigée dans une adaptation des Métamorphoses d’Ovide) et surtout une partition à la hauteur de l’immense comédienne qu’elle est. Elle joue « La Mère », la dernière pièce du jeune Florian Zeller au Petit Théâtre de Paris au côté de Clément Sibony, Jean-Yves Chatelais et Olivia Bonamy.


“La mère” que joue Catherine Hiegel est surtout l’histoire d’une femme dont une partie de la vie s’est achevée : ses enfants ont grandi et quitté le foyer familial, elle appréhende sa vieillesse au côté d’un mari distant (Jean-Yves Chatelais au jeu très fin et profond) qui prétexte des séminaires de boulot pour retrouver sa jeune maîtresse. Leurs rapports sont tendus et laissent entrevoir une violence dérangeante provoquée par le désamour, elle dit souhaiter sa mort. Elle reporte tout son amour sur son fils, seulement sur son garçon,  sa fille elle ne l’aime pas. Celui-ci vit en couple avec Emilie mais ça ne va pas fort entre eux et évidemment la mère ne l’apprécie pas, comme tout ce qui lui fait savoir qu’elle est en train de perdre son enfant chéri. Elle attend, si seule, des nouvelles qui n’arrivent pas, il ne répond pas à ses coups de fil, et ressent un grand vide affectif qu’elle comble en ressassant le passé et en se shootant à l’alcool et aux petites pastilles bleues. Et puis, elle parle, avec ce besoin irrépressible de dire. Elle veut dire qu’elle existe même si elle a le sentiment de ne servir à rien, de manière abrupte, répétitive, parfois chaotique, souvent agressive, elle s’épuise dans une logorrhée qui frôle la folie pour échapper à l’amère monotonie de sa vie.

Catherine Hiegel épate dans ce rôle tragi-comique, sombre, dépressif. Elle donne une force de caractère inouïe à son personnage si fragile. Elle est inquiétante, ambiguë, entière, assume la théâtralité dans un jeu jamais confiné, non pas réaliste mais simplement vrai. Elle donne à voir les plaies intimes de cette femme avec une justesse formidable qui nous fait croire qu’elle ne joue pas. Face à elle, Clément Sibony est un acteur sensible, à l’allure rimbaldienne, il joue le fils avec un mystère emprunt de douceur. Olivia Bonamy est plus brut de décoffrage.

La pièce est troublante, formidablement construite. Florian Zeller s’autorise une narration très libre, ponctuée de blancs, de silences. Certaines scènes se répètent, la situation se reprend comme si le réel avait dévié pour laisser place à l’expression des fantasmes, de l’inconscient du personnage principal hanté par ses démons. Comme dans Si tu mourrais, la pièce fonctionne comme rêve éveillé, une hallucination. Marcial Di fonzo Bo et son décorateur Yves Bernard restent fidèles à l’esprit antinaturaliste contenu dans l’écriture. Mais pourquoi une mise en scène aussi froide, aussi austère, trop sérieuse. L’espace minimal, aseptisé, les lumières blafardes rendent parfaitement l’atmosphère clinique voulue mais il manque cependant une respiration, un souffle de légèreté.

La Mère, du mardi au samedi à 21h, le samedi à 18h et le dimanche à 16h. Au Petit Théâtre de Paris, 15 rue Blanche, 9 arr. M° Trinité, Blanche, Saint-Lazare. 01 42 80 01 81. www.theatredeparis.com

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Christophe Candoni
Christophe est né le 10 mai 1986. Lors de ses études de lettres modernes pendant cinq ans à l’Université d’Amiens, il a validé deux mémoires sur le théâtre de Bernard-Marie Koltès et de Paul Claudel. Actuellement, Christophe Candoni s'apprête à présenter un nouveau master dans les études théâtrales à la Sorbonne Nouvelle (Paris III). Spectateur enthousiaste, curieux et critique, il s’intéresse particulièrement à la mise en scène contemporaine européenne (Warlikowski, Ostermeier…), au théâtre classique et contemporain, au jeu de l’acteur. Il a fait de la musique (pratique le violon) et du théâtre amateur. Ses goûts le portent vers la littérature, l’opéra, et l’Italie.

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