Théâtre
Avignon Off : « Occident » de Rémi de Vos, mais quel est ce poison qui pourrit toute relation humaine ?

Avignon Off : « Occident » de Rémi de Vos, mais quel est ce poison qui pourrit toute relation humaine ?

18 July 2018 | PAR Magali Sautreuil

« De l’amour naissent les plus fortes haines » (Properce). À quoi bon rester ensemble quand une relation amoureuse nous fait souffrir, quand la haine s’immisce dans tous nos rapports humains et que la présence des autres nous insupporte ? Avec un tel sujet, vous penserez certainement qu’«Occident» de Rémi de Vos, présenté dans le cadre du festival off d’Avignon, est une pièce dramatique. C’est en partie vrai, mais elle est aussi férocement drôle et criante de vérité.

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Pour les chanceux qui assisteront au spectacle entre le 17 et le 22 juillet 2018, une surprise vous attend en préambule. Au lever de rideau, vous pourrez assister à la pièce de Carole Thibaut, Les Mariés. Les Mariés, c’est 40 ans d’amour, avec ses hauts et ses bas… un mari a une vision rêvée du couple, de l’amour, parfois excessive et par moment naïve, contrairement à sa femme qui se meure. Mais il ne peut renoncer à elle. Comment pourrait-il accepter d’être à jamais séparé de celle qu’il aime ? Comment combler son absence une fois que la maladie l’emportera ? Arrivera-t-il à lui survivre, à refaire sa vie ? Tant de questions et si peu de réponses… Mais pour l’heure, nos deux vieux amants à dentier profitent des derniers instants passés ensemble.

Assis l’un face à l’autre, aux extrémités d’une table rectangulaire de cuisine en formica, le visage éclairé par deux lampes orientables industrielles et par une troisième qui fait office de plafonnier, ils savourent le moment présent…`

L’émotion est palpable. Leurs yeux sont remplis de tendresse. Leurs mots sont comme des caresses. On en vient même à oublier qu’il s’agit de deux comédiens ! Ils s’aiment, mais sont pourtant obligés de se dire adieu… Devant tant d’injustice, on ne peut retenir nos larmes… Le texte des Mariés est certes court, mais il est d’une telle intensité qu’il nous bouleverse au plus profond de nous-mêmes.

Quel contraste avec la pièce qui lui succède ! D’amour, il est aussi question avec Occident, par contre, de tendresse, beaucoup moins. Le décor est pourtant similaire : nous retrouvons la même table, les mêmes chaises, les mêmes lampes… Mais nos vieux amants ont laissé place à un couple de quarantenaires, qui vit un cauchemar au quotidien…

Et pourtant, il n’arrive pas à se séparer. Leur relation est toxique et leur pourrit littéralement la vie, mais rien n’y fait.

Le mari est un « facho alcoolique impuissant », un « pauv’con comme il y en a tant », « qui a le vin mauvais » et qui tient tous les soirs à sa femme des propos orduriers. C’est son petit rituel : à la fin de sa journée, il sort et boit plus que de raison en compagnie des fachos et des racistes qui fréquentent Le Palace et le Flandres. À force, petit à petit, il est contaminé par leurs idées nauséabondes. Incapable de penser par lui-même, l’esprit embué par l’alcool, il devient de plus en plus violent, mais aussi de plus en plus dépressif et paranoïaque.

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Sa femme qui, impuissante, le voit sombrer davantage de jour en jour, cache sa détresse derrière un masque de cynisme pour ne pas devenir folle. Elle s’amuse comme elle peut avec son triste sire de mari, ce qui rend, contre toute attente, une situation dramatique drôle. On en rit volontiers tellement celle-ci est à la fois réaliste et absurde.

Et pourtant, malgré les menaces de mort, les injures, les crises de jalousie, la violence de leurs mots, ils s’aiment et ils en souffrent. Cet amour, aussi pitoyable soit-il, parvient quelques fois à émerger parmi ce flot de haine quotidien : des excuses, des regrets, des pleurs, L’été indien de Joe Dassin, des projets de vacances au bord de la mer… Mais ces moments d’accalmie dans leur relation sont toujours de courte durée…

Le couple semble emprisonné dans un quotidien oscillant entre amour et haine, deux sentiments contradictoires et pourtant si similaires, la haine pouvant résulter d’un amour aigri… Mais la pièce va bien au-delà de cette relation amoureuse toxique, de ce couple cabossé par la vie. Elle traite également en filigrane du basculement d’une personne ordinaire dans le racisme, celui du quotidien, qui s’immisce sans crier garde et finit par pourrir les relations entre les hommes…

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Informations pratiques :

Occident de Rémi de Vos, avec Carole Thibaut et Jacques Descorde (durée : 50 minutes), présenté dans le cadre du festival Off d’Avignon, du 6 au 25 juillet 2018, sauf les lundis, à 18 heures, à Présence Pasteur, 13 rue du Pont Trouca, 84000 Avignon, précédé, du 17 au 22 juillet 2018, des Mariés de Carole Thibaut, avec Monique Brun et Olivier Perrier (durée : 20 minutes).

Visuels : © Geoffroy de Marquet

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