Théâtre
[Avignon Off] « Le Prince travesti », brillants rêves noirs

[Avignon Off] « Le Prince travesti », brillants rêves noirs

20 July 2015 | PAR Geoffrey Nabavian

Daniel Mesguich nous sert, comme à son habitude, un point de vue fort, avec cette nouvelle mise en scène. Cette pièce de P. de Marivaux a beau ne pas être sa plus passionnante, on rêve beaucoup, devant la vision que nous en propose notre irréductible, les deux pieds chaussés dans ses principes…

[rating=4]

le_prince_travesti_mesguich_c_arnold_jerockyDans le palais tout en miroirs que nous offre Daniel Mesguich, pour ce Prince travesti de P. de Marivaux, tout le monde a l’œil gauche encadré de noir. Sauf Arlequin (Alexandre Levasseur) : lui, le valet alerte et pressé, a du sang autour de ses yeux. Espion, il furète et rapporte. Ses globes oculaires sont en train de pourrir. Pour ceux qui l’entourent, c’est trop tard. Ils se sont tellement épiés qu’ils en portent les stigmates…

L’inquiétante Princesse (Sarah Mesguich) quadrille les moindres mouvements de sa suite, et aime à apparaître par magie dans ses miroirs. Celui qu’elle convoite, Lélio, Prince travesti en aventurier, a la face fatiguée : il parcourt le monde en vain, regarde sans fin les hommes à leur insu, et cherche une personne, précise. Et le conseiller Frédéric, joué par William Mesguich, constitue une vision d’outre-tombe : crachant le sang dans un mouchoir déjà tout rouge, il porte un manteau en cuir noir tâché d’une couleur écarlate, comme recouvert d’une épaisse couche de sang vomie. Marilyn Manson chez Marivaux… Au milieu de cette cour se débat Hortense (Sterenn Guirriec), quelque peu soumise à la Princesse, mais qui rêve d’un homme mystérieux qui la sauva…

Ce cadre de départ impressionne. « Clinquant ? », questionnera-t-on… Non, ouvert. Pas toujours clair. Et d’autant plus stimulant. Le reste du spectacle va se dérouler en scènes où le geste et le jeu physique seront stylisés, pour notre bonheur. Des ballets de corps torturés se déploient… bientôt rompus pas des scènes plus burlesques. On adhère, puis on essaye de s’accrocher à la langue. De suivre les longues scènes d’aveux. Pas évident, dans Le Prince travesti : le langage employé apparaît parfois lourd, compliqué par des considérations sur le rang. Parfois, on décroche de ce jeu, pas le plus passionnant imaginé par P. de Marivaux. Mais on remonte en suivant des personnages. Le conseiller Frédéric notamment, que William Mesguich rend génial. Boiteux, crachant le sang avec force exagération… Ou Lélio, joué par l’intense Grégory Corre.

La force de Daniel Mesguich est de parvenir, par-dessus la vision et la psychologie, à conserver l’humain, qui nous guide, même si on ne comprend pas tout. Et de faire rêver. De laisser rêver ?… C’est pour ça qu’on l’aime, encore et toujours.

*

Le Prince travesti, de Pierre de Marivaux. Mise en scène de Daniel Mesguich. Avec Alexis Consolato, Grégory Corre, Sterenn Guirriec, Alexandre Levasseur, Sarah Mesguich, William Mesguich, Rebecca Stella. Scénographie : Camille Ansquer. Lumières : Jean-Luc Chanonat. Costumes : Dominique Louis. Son : Franck Berthoux. Maquillage : Eve Bouillaut. Régie Son et Lumière : Angélique Bourcet. Assistante à la mise en scène : Delphine Touchet. Durée : 1h30. Au Théâtre du Chêne-Noir, à 18h45, jusqu’au 26 juillet.

Visuel : © Arnold Jerocky

Retrouvez tous les spectacles du Festival dans notre dossier Avignon 2015

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