Théâtre

Audition : des personnages en quête d’auteur

27 February 2010 | PAR Christophe Candoni

Trois personnes entrent sur le plateau dénudé du Théâtre Edouard VII. Ils ont reçu une convocation pour passer une audition. Ce sont apparemment des artistes, débutants ou de second rang, à la recherche d’un rôle. C’est ainsi qu’on peut résumer l’intrigue de la nouvelle pièce de Jean-Claude Carrière que met en scène Bernard Murat dans son propre théâtre. C’est l’histoire d’une attente, les acteurs, en particulier Manu Payet et le grand Jean-Pierre Marielle, tentent de défendre au mieux une intrigue aussi mince.

 

Dans la cage de scène visible, Nicolas Sire réalise une absence de décor à la Pirandello – la comparaison s’arrêtera là – avec la machinerie du théâtre à vue, un porte-manteau, des éléments de carton pâte, des tentures, et des chaises en velours rouge. A la fin, les acteurs repartent comme ils sont venus, il ne s’est rien passé. Carrière n’offre ici qu’une ébauche de situation. Il se complait à user de facilités redondantes et d’un comique éculé dans le théâtre de boulevard comme les interventions de Kym Thiriot en coordinatrice de casting, évidemment nunuche et sexy en jupe courte et bas résille et d’Hubert Saint Macary en directeur artistique despote autoritaire. C’est attendu et caricatural. On se demande ce qui a bien pu intéresser Murat dans cette pièce mal construite à l’écriture paresseuse. Serait-ce une habitude pour le directeur du théâtre et metteur en scène de monter désormais des pièces aussi peu consistantes en réunissant des distributions de choix, des têtes d’affiches qui de toutes façon font venir un public fidèle, forcément conquis d’avance.

L’humoriste Manu Payet a appris son métier en faisant du one man show et joue ici un débutant sur les planches. Il a une bonne gueule, un peu hagard, et se défend bien sur scène, toujours attachant et amusant, attentif et complice avec sa partenaire Audrey Dana. On a de la peine à voir Roger Dumas, grand acteur de théâtre, ridiculisé dans le costume ingrat d’un personnage de diable sans consistance. Pourtant, il met du cœur à l’ouvrage avec enthousiasme, fantaisie et humanité. Jean-Pierre Marielle est le plus malin de la troupe. Il prend de la distance, ironise sur la situation. Sa forte présence et sa voix profonde sont déjà un spectacle. Il est drôle et touchant dans ce personnage d’acteur vieillissant. Murat l’avait dirigé avec autrement plus d’inspiration. On repense au Nouveau testament de Guitry, intelligent et fin. On est déçu mais le public réserve un triomphe au spectacle. Quand on ne parle de rien, on ne gêne personne.

Audition, au Théâtre Edouard 7, 01 47 42 59 92.

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Christophe Candoni
Christophe est né le 10 mai 1986. Lors de ses études de lettres modernes pendant cinq ans à l’Université d’Amiens, il a validé deux mémoires sur le théâtre de Bernard-Marie Koltès et de Paul Claudel. Actuellement, Christophe Candoni s'apprête à présenter un nouveau master dans les études théâtrales à la Sorbonne Nouvelle (Paris III). Spectateur enthousiaste, curieux et critique, il s’intéresse particulièrement à la mise en scène contemporaine européenne (Warlikowski, Ostermeier…), au théâtre classique et contemporain, au jeu de l’acteur. Il a fait de la musique (pratique le violon) et du théâtre amateur. Ses goûts le portent vers la littérature, l’opéra, et l’Italie.

2 thoughts on “Audition : des personnages en quête d’auteur”

Commentaire(s)

  • JONATHAN

    Globalement cette analyse est juste sur la pièce qui n’en eest pas une en réalité.
    Par contre la scène repose sur 3 acteurs qui sont audrey Dana,manu Payet et JP Marielle.
    Marielle se met en retrait intelligemment laissant une belle place aux deux autres acteurs.
    J’ai un peu balayé la pièce, j’ai été séduite par les 3 acteurs, j’ai volontairement oublié les autres.
    Aucun ennuiu pour ma part. La salle a été réceptive.Ce n’est pas un accident théatral comme cela était écrit dans les échos. C’est même plutôt assez plaisant grâce aux qualités sans conteste des acteurs

    March 4, 2010 at 9 h 33 min
  • Anne

    Pour la première fois de ma vie, j’ai bien failli ne pas applaudir à la fin de cette pièce insipide, seulement sauvée du ratage intégral par la belle prestation des acteurs.
    Mais le soir où j’y suis allée, il n’y a pas eu de triomphe. Juste des applaudissements forcés, n’existant que pour ne pas gêner les comédiens venus défendre malgré tout un projet qui n’a aucun intérêt.

    March 18, 2010 at 12 h 35 min

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