Théâtre
Anecdotique « Fin de l’histoire » de Christophe Honoré

Anecdotique « Fin de l’histoire » de Christophe Honoré

08 November 2015 | PAR Christophe Candoni

À La Colline, Christophe Honoré revisite l’histoire d’une manière décalée mais trop anecdotique à travers les écrits de Gombrowicz. S’il sait toujours magnifier les acteurs, il ne leur donne que trop peu de choses à jouer. Malgré une riche matière politique et philosophique donnant lieu à une réflexion survolée, les trois longues heures de représentation frôlent l’inconsistance.

Déjà contesté, Nouveau Roman passait à nos yeux pour une belle réussite. On trouvait une énergie, une insolence, une liberté folles, aussi bien dans la conception que dans la réalisation de ce spectacle plein d’humour et d’esprit : une véritable stimulation pour l’intelligence. Trois ans plus tard, la nouvelle création théâtrale de Christophe Honoré déçoit. Elle affiche pourtant les mêmes intentions et usent des mêmes ingrédients mais on n’y retrouve pas les qualités attendues.

Amoureux de la jeunesse et de ses ambiguïtés qui le fascine, Honoré s’attache au personnage du jeune Witold joué par Erwan Ha Kyoon Larcher. La silhouette frêle, l’air libre et enfantin, il est l’atout séduction du spectacle. Le personnage portant le même prénom que l’écrivain et dramaturge Gombrowitz, à qui la pièce empreinte pour matière textuelle une pièce inachevée, des extraits de Journal et d’autres articles, quitte la Pologne en 1939 pour partir vers l’Argentine. Mais dans la pièce c’est un autre voyage qu’il entreprend. Celui qui avait l’étonnante sensation d’être le “propriétaire”, le “responsable” du monde » qui selon lui épousait ses humeurs contrastées, se sent désormais délaissé, “Quelque chose s’est détraqué entre moi et le monde” dit-il, “le monde m’a échappé, le monde ne m’aime plus (…) Tout va sombrer dans le plus terrible anéantissement. Tout s’achève. Le monde s’est passé de moi.” Pour contrer cet état de fait, Witold veut retourner aux origines, à la création de l’Histoire et en changer le cours.

Christophe Honoré peine à insuffler une réelle pensée en mouvement dans un spectacle qui croule sous les lourdeurs : celles d’un décor (la gare de Varsovie) bien trop imposant, celles d’un texte trop boursouflé. Ça parle beaucoup, beaucoup trop, pour ne rien dire. La première partie au cours de laquelle le jeune homme attend le départ de son train accompagné de toute sa famille reste un peu anodine mais encore drôle et piquante (notamment grâce à Annie Mercier et Marlène Saldana). Du joyeux désordre, on passe au pénible chaos, lorsque Hegel, Marx, Derrida et Kukuyama se vautrent dans d’interminables et soporifiques prises de parole, avant que Hitler, Mussolini, Staline, Chamberlain et Daladier ne prennent le relais pour à nouveau deviser sur la Seconde Guerre mondiale et le sort de l’Europe.

La conversation suit un mode parodique tellement appuyé qu’elle dénature son propos et se vide de sa substance. Les mots et leur sens ne parviennent pas. On préférera l’éloquence des bouches closes, des corps qui s’évitent ou s’étreignent à l’occasion de jeux muets et sensuels sur le pauvre banc de la gare déserte entre Witold, son amie (très belle Elise Lhomeau) et Josek (touchant Mathieu Saccucci) un jeune paumé dont il s’éprend. Voilà de beaux mais rares passages de vérité et d’émotion. Le reste n’est que bavardage et remplissage bien longuets.

Photo © Jean-Louis Fernandez

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