Théâtre
Aglaé, une femme pas si légère

Aglaé, une femme pas si légère

07 January 2017 | PAR Christophe Candoni

Au Théâtre du Rond-Point, Jean-Michel Rabeux nous invite à rencontrer l’étonnante Aglaé, prostituée sexagénaire et femme joyeusement, fièrement, libre et libertaire interprétée par la merveilleuse Claude Degliame.

Dans la mythologie grecque, Aglaé, fille de Zeus ou d’Hélios selon les sources, fait partie des rayonnantes Charites (les Grâces romaines). La déesse éternellement jeune représente la séduction et la beauté dont témoignent les célèbres représentations de Cranach ou Raphaël entre autres. Chez Rabeux qui s’est toujours intéressé aux êtres scandaleux, mis au ban de la société, de la légalité, Aglaé est une dame de plus de 60 ans qui exerce le métier de putain, par plaisir, pas par besoin. Faire du bien, rendre service, elle aime ça mais ne le fait pas pour rien. Elle l’assume fièrement et le revendique sans arrogance. Si le nom d’Aglaé qui lui est attribué est une pure invention, la femme existe bel et bien et déclare être toujours en activité. Le metteur en scène l’a rencontrée et à partir des témoignages véridiques qu’il a recueillis, il en a fait un personnage de théâtre haut en couleur, plus vrai que nature, formidablement campé en scène par une de ses actrices fétiches, Claude Degliame.

Sous une pluie de néons, elle paraît toute vive et menue dans un déshabillé noir qui ne recouvre pas grand-chose d’un corps fin et usé. Ses yeux sont cachés derrière d’épaisses lunettes de soleil. Piquante, elle cultive l’impudeur et le mystère en sillonnant les tabourets de bar disposés en enfilade où sont installés les spectateurs. Elle les frôle en se déplaçant, dépose furtivement sa main sur quelques épaules. Il n’y a cependant rien de racoleur dans le jeu magnifiquement sensible et vrai de la comédienne.

Entre deux verres de whisky vite sifflés, sur un ton parfois grave mais le plus souvent amusé, elle se raconte, déballe tout et sans tabou, ses succès comme ses déboires. Elle parle de sexe, de famille, de mac, de la vie. Pas question de trahir les propos d’Aglaé, qui s’exprime cependant moins crûment au théâtre que dans la vie, précisent les signataires du spectacle. Ces derniers revendiquent une fidélité absolue à celle qu’ils ont rencontrée mais se refusent habilement de jouer la carte de la provocation. Il se dégage de leur portrait beaucoup de respect et une infinie tendresse pour leur modèle.

Photo © Alain Richard

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