Théâtre
A fond de Lucas Henaff au Théâtre El Duende.

A fond de Lucas Henaff au Théâtre El Duende.

19 January 2018 | PAR David Rofé-Sarfati

Dans le cadre du festival Traits d’union, Lucas Henaff présente sa pièce sur l’oisiveté des jeunes de province. Rarement traité le sujet de ces jeunes ventousés des journées entières à un banc public donne l’occasion d’un texte aiguisé et très drôle.

Alex et Rémy, deux jeunes hommes “moyens”, issus d’une commune sans doute “moyenne”, semblent passer leurs journées assis au bord d’une voie ferrée, à regarder les trains. Luc, lui, tout aussi “moyen”, prend le TGV pour partir à Paris. Au wagon-bar, il rencontre Marion, apparemment parisienne.

Sauf à avoir choisi un décor de voie ferrée trop réaliste, la pièce est montée comme une fable. Le beau plateau du Théâtre El Duende est séparé en deux. Par un jeu de lumière l’intrigue alterne soit la décharge en lisière de voie ferrée où des jeunes adolescents provinciaux se retrouvent, soit un wagon de TGV où une rencontre va advenir.

La plume de Lucas Henaff est admirable. La bascule entre les deux lieux figure, comme une parabole, l’enjeu et l’interrogation de la pièce: une bascule par le truchement de la rencontre avec Marion, parisienne chargée de communication ambitieuse et dynamique, va-t-elle advenir dans le destin de Luc, velléitaire dépressif et timide. Devant cette ouverture possible, on découvrira comment s’inscrit le farniente et le désoeuvrement chez ces craintifs provinciaux, ces abonnés au RSA, ces ados plus réactionnaires que leurs parents ou même, et la pièce en devient actuelle, chez les groupuscules zadistes. Le nihilisme infantile de ces jeunes, leur projet fondamental que rien ne change est l’expression d’une retraite de désir d’amour et d’avenir. Les pleurs de Luc à la fin de la pièce signent cet espoir perdu, car abandonné par Luc lui-même.

Ce retrait peureux de tout désir de changement n’est atteignable que par une consommation massive de cannabis qui fige et anesthésie chaque germe de volonté, et accessoirement apaise la mélancolie de ces ados transformés en vaches regardant les trains passer.

Le public est conquis, les rires se succèdent. Les comédiens talentueux parviennent à nous rendre proches de  ces jeunes provinciaux végétatifs mais attachants; et Paul Delbreil qui joue le héros est assurément promis à une immense carriére.

Mise en scène : Lucas Henaff
Assistante mise en scène : Amélie Robin
Avec : Sylvain Begert, Marjorie Ciccone, Paul Delbreil, Nicolas Guillemot
Scénographie : Bérangère Sabatier

A noter : La pièce est programmée dans le cadre de la deuxième édition du festival Traits d’union. Le Festival Traits d’Union est d’abord une rencontre artistique et humaine entre une jeune compagnie, les Entichés et un lieu solidaire et citoyen du Val de Marne, Le Théâtre El Duende. Ils unissent ici leurs forces pour inventer trois semaines autour d’une thématique, cette année Les Frontières, pour offrir à des jeunes compagnies sélectionnées des lieux de répétition, un accompagnement  et  une véritable co-réalisation. Le festival se double d’une expo de jeunes photographes. Il est un lieu de rencontres entre le public, les programmateurs et les journalistes. Les Partenaires du Festival sont Gare au Théâtre, Théâtre Antoine Vitez, 94 citoyens, BNP-Paribas, La Villa Mais d’Ici, Actisce Les Halles-Le Marais, La Jonquière, Point du jour, le département du Val-de-Marne, la Ville d’Ivry-sur-Seine.

Infos pratiques

Studio Hébertot
Théâtre de Nesle
David Rofé-Sarfati
David Rofé-Sarfati est Psychanalyste, membre praticien d'Espace Analytique. Il se passionne pour le théâtre et anime un collectif de psychanalystes autour de l'art dramatique www.LautreScene.org. Il est membre de l'APCTMD, association de la Critique, collège Théâtre.

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