Théâtre
1993, l’Europe gueule de bois de Julien Gosselin

1993, l’Europe gueule de bois de Julien Gosselin

11 January 2018 | PAR Christophe Candoni

Créé au Festival de Marseille l’été dernier, 1993 lance au T2G la deuxième rentrée de la saison théâtrale. Dans un chaos parfaitement esthétisé, Julien Gosselin interroge l’état de l’Europe. Spectaculaire dans sa forme, la proposition est aussi assommante dans son propos.

Des jeunes défoncés qui se déchaînent et s’exténuent dans la danse frénétique, leurs corps lovés-larvés sur les sofas d’un appartement chic bordélisé lors d’une une soirée Erasmus qui vire au cauchemar. Voilà ce qui peut dire l’Europe qui est la nôtre, électrique et asphyxiée. Les images sont époustouflantes. Le point fort de la proposition est indéniablement sa superbe photogénie. L’hyper maîtrise formelle appartient à la griffe bien identifiable d’un metteur en scène qui compte désormais, récemment signataire d’une ambitieuse adaptation des Particules élémentaires de Houellebecq dont le rapport au monde profondément brûlant et pessimiste demeure dans ce nouveau spectacle. Après avoir déjà expérimenté la scène de boite de nuit filmée en direct dans sa précédente création, 2666, Gosselin renforce l’exutoire, l’attraction et l’abandon des corps dans l’ivresse, le sexe, la dope, les longues nappes de sons sourds, l’éclairage au néon et les épaisses volutes de fumée, qu’il affectionne et utilise jusqu’à la saturation.

Visuellement top, la pièce parle aussi beaucoup. Son propos se déverse abondamment et sans philtre. Fidèle à son style, Gosselin fait proférer, crier, les acteurs, toujours trop vite et trop fort. Qu’ils soient scéniquement visibles ou pas, les douze jeunes comédiens fraîchement sortis du TNS, sont embarqués dans une intarissable litanie, impossible à digérer pour le public comme pour eux-mêmes tant le flux de parole l’emporte sur le sens à délivrer. La pensée portée n’est pourtant pas sophistiquée. Procédant à une sorte de zapping géant des maux du monde, elle est même profondément rebattue. Inspirée des écrits de l’américain Fukuyama dont un pavé projeté attend avec pédantisme le spectateur dès son entrée en salle, elle se résume rapidement : le libéralisme entraîne la chute des idéaux. Dans un texte sans trop de fulgurance poétique que signe l’écrivain Aurélien Bellanger, la thèse est plus assénée que discutée.

Julien Gosselin est parti d’un territoire qu’il connaît bien, Calais, sa ville originaire, et d’une date, celle de la construction du tunnel sous la Manche, symbole d’ouverture, de circulation, de dangers collatéraux, figuré par un grand trou opaque mis en mouvement par un mitraillage de flashs lumineux. Ce néant désert et vacillant se contemple pendant toute la longue première partie d’un spectacle proliférant au cours duquel l’absence de respiration et de limites fait pesamment éprouver l’incertitude, la vacuité, des temps présents.

Photo (c) Jean-Louis Fernandez

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