Spectacles
Roses, le Richard-Matériau de Nathalie Béasse

Roses, le Richard-Matériau de Nathalie Béasse

13 January 2015 | PAR Christophe Candoni

Dans Roses, donné au théâtre de la Bastille à Paris, Nathalie Béasse s’empare du Richard III de Shakespeare comme d’un matériau de recherche et livre une adaptation étonnante de l’œuvre mise à distance.

Formée au Conservatoire d’art dramatique d’Angers après avoir étudié les arts visuels aux Beaux-Arts, Nathalie Béasse exploite pour la première fois un classique du répertoire mais en adoptant une approche peu académique du texte théâtral, qui n’est pas que littéraire et ne colle jamais littéralement aux mots. L’écriture s’élabore autant sur le plateau. D’abord elle change le titre. Roses renvoie au dernier épisode de la guerre opposant les maisons royales d’York et de Lancastre. Il est aussi la couleur du liquide vermillon servi dans des verres en cristal, à la fois vin dégusté et sang recraché par les convives réunis autour d’une large table placée au centre de la scène. Tout se passe autour de cet espace de banquet et de conseil.

Faire du texte dramatique un véritable matériau à jouer, modeler, expérimenter, c’est la grande qualité de sa proposition scénique poreuse d’expressions artistiques et plastiques diverses, dans sa facture, son style et son ton, ce qui donne une dynamique particulière à l’ensemble mais aussi une non-univocité propre à souligner l’ambivalence du contenu. Interprété à tour de rôle par quatre acteurs masculins de tous âges, Richard a autant de visages. La pièce de Shakespeare est restituée d’une manière lacunaire et fragmentée, par bribes en anglais et en français. Plus que les mots, ce sont les images créées par les sept comédiens danseurs à la corporalité éloquente qui font sens, surtout dans la scène finale de bataille. Avant cela, dans une ronde infernale, les interprètes se lâchent, trébuchent, se relèvent. Ils s’étreignent puis se violentent à l’instant qui suit, rient et pleurent aussitôt après. Nathalie Béasse privilégie ce genre de point de basculement, de retournement subit.

S’il n’est peut-être pas toujours éclairant sans une connaissance et une maîtrise suffisantes de l’œuvre initiale, le projet fonctionne bien. Il a aussi ses limites. A commencer par son incomplétude. Par exemple, il ne travaille pas la monstruosité physique et mentale du héros, relate à peine son ascension tyrannique à la couronne, ce qui fait du rôle une figure aussi complexe et fascinante. La créatrice du spectacle s’intéresse davantage à ce qui l’entoure, à ses relations avec les autres, aux « rapports qu’entretient l’individu avec son milieu » dit-elle. On assiste effectivement à une recherche d’artistes autour de la question de l’être ensemble. Parfois beau, parfois flou, parfois vain, le geste est libre et toujours intéressant car la scène devient comme un laboratoire de théâtre et de vie.

Visuel © Cie Nathalie Béasse

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