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“Lettres à un jeune poète”: écouter Rilke avec un oeil neuf

“Lettres à un jeune poète”: écouter Rilke avec un oeil neuf

16 December 2016 | PAR Mathieu Dochtermann

Dans le cadre de sa programmation délicieusement éclectique, le Poche du Montparnasse a permis aux deux complices que sont Michael Lonsdale et Pierre Fesquet de montrer Lettres à un jeune poète, adaptation des correspondances éponymes de Rainer-Maria Rilke, peut-être le plus grand poète romantique de langue allemande. Malgré ses imperfections, c’est un spectacle que l’on peut recommander aux amateurs de poésie.

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Difficile, pour l’amoureux des arts, de ne pas connaître l’incontournable Michael Lonsdale, dont la carrière aura embrassé les belles lettres autant que le théâtre ou le cinéma. Il est de ces artistes polymorphes dont même le grand public connaît l’élégante silouhette, la voix grave, le noble visage, du fait de ses rôles dans des productions ayant reçu une large audience, de James Bond au Nom de la rose. Ce qu’on sait peut-etre moins de lui, c’est son amour pour Charles Péguy, qui a débouché sur le spectacle Péguy/Lonsdale: Entre ciel et terre, lui aussi présenté au Poche de Montparnasse la saison dernière, et son amour de la poésie.

Avec la complicité de Pierre Fesquet, Michael Lonsdale remonte donc sur scène pour une lecture à deux voix des correspondances en prose du poète allemand Rainer-Maria Rilke. Malgré le poids des ans, la présence scénique de ce grand acteur, toujours affublé de sa barbe iconique, est indéniable. D’une voix ténue, mais avec une grande maîtrise du souffle et de la diction, il régale le public des mots de Rilke, tantôt sages, tantôt enfiévrés, toujours pénétrants. La parole est partagée avec Pierre Fresquet, au style plus emphatique, les relais se faisant avec la facilité née d’une longue complicité.

Ce sont de très belles paroles qui sont données là à entendre. Quelle que soit la sensibilité de celle ou de celui qui écoute, tant que sensibilité il y a, les mots de Rilke opèrent un charme puissant, qui pousse chacune et chacun à la rêverie et à l’introspection. C’est un spectacle qui fait voyager en soi-même, et une réflexion très fine sur ce qui constitue l’artiste, celui qui ressent le besoin de créer comme un besoin essentiel.

La mise en scène est sobre, dans une salle intimiste qui ne laisse de toutes façons pas beaucoup de place à la fantaisie. Au centre, un joli bureau où s’assied Michael Lonsdale. A cour et à jardin, une simple assise accueille Pierre Fesquet et le ou la violoncelliste. C’est en effet une des bonnes idées de l’écriture du spectacle que d’avoir voulu mêler la prose et les vers de Rilke avec quelques uns des classiques du répertoire pour violoncelle seul. La musique vient en contrepoint des paroles, souvent avec sensibilité, et décuple la mélancolie contemplative des lettres du poète. Cependant, le fait d’intercaler une intervention du violoncelle à chaque lettre finit par troubler le propos, et empecher le spectateur de se concentrer pleinement sur le texte – pour autant qu’on aime entendre le Prélude à la suite de Bach pour violoncelle BWV1007, c’est finalement un peu dommage.

En résumé, un moment agréable dans un écrin confortable, des artistes complices, une façon de redécouvrir Rilke et de voyager en romantisme d’une manière inaccoutumée. Un beau spectacle, qui mérite le détour – peut-être un joli cadeau de Noël? Les Lundi à 19h et le Dimanche à 17h30 (à partir du 13/11).

 

De Rainer-Maria RILKE
Mise en scène Pierre FESQUET
Avec Michael LONSDALE, Pierre FESQUET
Violoncelle Emmanuelle BERTRAND ou Fabrice BIHAN (en alternance)
Visuels: (C) Théâtre de Poche du Montparnasse

Infos pratiques

Cité de l’Architecture et du Patrimoine
Flaq
Billetterie du Poche-Cedric

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