Performance
Fabrice Ramalingom à l’Etrange Cargo : “D’un goût exquis” !

Fabrice Ramalingom à l’Etrange Cargo : “D’un goût exquis” !

05 April 2014 | PAR Camille Lucile Clerchon


D’un goût exquis, la dernière création de Fabrice Ramalingom qui rappelle que notre corps est politique, notre danse est politique, notre vie est politique est une adaptation pour la scène du texte d’Antoine Pickles du même nom, sous titré Essai de pédesthétique, publié en 2006. .


Dans son essai virulent écrit à la première personne, Antoine Pickles procède à une analyse critique qui emprunte à l’histoire et à la sociologie pour prôner une attitude pédé en exutoire à une identité homosexuelle. Là où cette dernière enferme l’être dans un carcan normatif et nie toute alternative au repli communautaire et à l’intégration par dissolution, l’attitude pédé revendiquée par Antoine Pickles est pensée créatrice, principe actif de subversion.
Tel est le discours que sert la proposition de Fabrice Ramalingom, qui réunit pour ce faire cinq interprètes dont l’engagement individuel singulier sublime le propos. D’un goût exquis se révèle oeuvre polyphonique tissée à l’entrelacs de l’intime et du politique. L’humour et d’auto-dérision ne reculent pas devant « une histoire de persécution de plus de 2000 ans» pour interroger la figure contemporaine du pédé.
Un dispositif mi-conférence mi-cabaret permet la multiplication des modes d’expression : danse, théâtre, vidéo, prise de parole soulignent le caractère non-dogmatique du propos, par la superposition de plusieurs niveaux performatifs.
Quatre figures archétypales du pédé sont soumises à un jeu de (dé)construction : l’hypermâle, hyperconsommateur d’abonnements aux salles de sport, le dandy, intellectuel mondain, la folle en string à paillettes, l’homo du peuple, plutôt noir et pauvre, au tapin dans les backrooms et les saunas : quatre figures à mi-chemin entre le totem et l’épouvantail, qui soulignent les mécanismes à l’oeuvre dans les rapports sociaux de classe et de race autant que de sexe et de genre. En contrepoint, les confidences des interprètes comme murmurées à l’oreille, leurs corps engagés dans un sirtaki cocasse ou sur un dancefloor endiablé donnent accès à une autre texture de l’être : celle de l’intime et de l’irréductibilité de l’individu à une quelconque catégorisation identitaire.
D’un goût exquis effleure sans s’y engouffrer la récente actualité du mariage pour tous et de l’homophobie brutale qui l’a accompagné. Avec une joyeuse élégance, la pièce trouve un profond souffle militant dans un appel à la véritable subversion : la résistance à l’absorption de tous par la société ultralibérale de consommation.
Le goût exquis ne serait il pas celui, indescriptiblement savoureux, de la liberté?

Visuel : ©Franck Boulanger

Spectacle présenté les 1 et 2 avril au Festival Etrange Cargo de la Ménagerie de Verre. Prochaine date : 18 juin  2014 au Festival Uzès Danse

[Critique] Un autre avis sur “Eastern Boys”
Gagnez 2 places pour la soirée WIHMini Festival Day #9 au Zig Zag Club le 20 avril
Camille Lucile Clerchon

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration