Performance
Domo de Europa Historio en Ekzilo, les espoirs de Thomas Bellinck se devinent

Domo de Europa Historio en Ekzilo, les espoirs de Thomas Bellinck se devinent

20 June 2018 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Le festival de Marseille invite le metteur en scène très engagé à récréer son installation performative Domo de Europa Historio en Ekzilo (« Maison de l’Histoire Européenne en Exil ») dans la Caserne du Fort-Saint-Jean.

Thomas Bellinck a l’habitude de se confronter au dur. Il y a déjà dix ans, il avait transformé une action politique avec des immigrants sans-papiers menant une grève de la faim en pièce : Nous étions en train de mourir et puis nous avons reçu un prix.  Cela pose le cadre, nous ne sommes pas dans du boulevard.

Alors, en esperanto dans le texte, le performeur tente de regarder le présent avec nos yeux du futur. Avouez, qui ne s’est jamais demandé comment on parlerait de notre époque dans un musée, dans une génération ou deux ?  Nous voici donc en train d’attendre dans une salle vide qui ressemble à celle d’un médecin russe avant la chute du mur. Puis, seul, nous sommes invités à entrer en suivant le sens de la visite. Douze salles se succèdent et dans chacune des objets sont exposés, avec leur cartel dans cette langue universelle que personne ne parle, et un grand texte, cette fois-ci traduit, nous fait un point d’histoire. Dans cette fausse fiction, tout rapport avec des faits réels est assumé !

D’un point de vue chronologique, le parcours nous amène de l’idée d’Europe, du rêve, jusqu’à sa perte, la réalité. Nous sommes après le “Le 9 mai 2025” où,  “suite à plusieurs semaines de coupures d’électricité, des milliers de citoyens enragés se rendirent au siège de la commission européenne à Bruxelles, et l’assiégèrent (…) la prise du Berlaymont devînt le mythe du coup fatal porté à l’intégration Européenne”. Plus loin on peut lire : “D’après les témoignages de l’époque, l’atmosphère de la deuxième décennie du troisième millénaire respirait la peur et la perte”. Autant dire que l’impression de déjà-vu est prenante, angoissante et cynique. On regarde tout de même un isoloir muni d’un mannequin, illustrant la notion disparue de libre-arbitre. Flippant.

Dans ce musée, on est toujours seul, puisque que le performance est pensée pour un spectateur à la fois. Toutes les cinq minutes, un nouveau visiteur peut entrer. La volonté est de sentir que personne ne se préoccupe plus de l’Europe. Mais le projet n’est pas défaitiste, il veut au contraire servir de réveil.  Les premières pièces rappellent à quel point cette idée d’Union était belle, et le metteur en scène rêve en grand sur panneaux de musées : “Aux heures les plus florissantes de l’Union, 80 % des décisions en matière de réglements des États-Membres se prenaient au niveau européen”.

A la fois cabinet de curiosité et vraies archives, Domo tape juste dans sa volonté. On s’amuse de nous, à voir des rouleaux de “PQ” Poutine ou des presse-citron Merkel.

On peine à penser que l’exposition réveillera les consciences à Bruxelles, mais au moins, on peut saluer l’effort de Thomas Bellinck d’avoir essayé de conserver nos  “acquis communautaires” saccagés par Aube dorée, l’EI et autre Rassemblement National.

Espérons juste que le garçon ne soit pas totalement visionnaire, car l’idée de de parler de la “fin du Second entre deux-guerres” glace le sang.

Jusqu’au 30 Juillet, au Mucem. Prévoir d’arriver vingt minutes avant le début de la performance.

Visuel :©Stef Stessel

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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