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De la déconstruction du genre, vers la Pandrogynie selon Genesis P-Orridge

De la déconstruction du genre, vers la Pandrogynie selon Genesis P-Orridge

07 March 2014 | PAR Enora Le Goff

En ces temps de controverse sur une potentielle théorie du genre, voyons au delà de ces carcans que semblent imposer la société, comment un couple d’artistes, Genesis P-Orridge et Lady Jaye, ont depuis le début des années 2000 totalement dépassé cette idée du genre comme nécessaire à la création de l’identité.

Ballad of Genesis and Lady Jaye

L’un des exemples les plus extrêmes du dépassement des genres masculin/féminin est la théorie de Genesis P-Orridge et de sa compagne Lady Jaye sur la « pandrogynie ». Genesis P-Orridge est un performer britannique et l’un des pionniers de la musique industrielle new-yorkaise des années 60. Au début des années 2000 Genesis et Lady Jaye se rencontrent et décident pour célébrer leur amour de se lancer dans une expérimentation alors inédite, la modification physique de leur corps dans le but de créer un être commun, l’un étant la complétude de l’autre. Leur théorie s’explique dans un court-métrage de 2006, Pandrogeny Manifesto, qui met en avant à la fois la vision du couple sur la place (inappropriée) du genre dans la société, mais qui développe aussi leur théorie sur la pandrogynie. Dans les faits le couple transforme donc physiquement leur corps respectif par la chirurgie afin de se ressembler au maximum, Genesis se fait poser des implants mammaires, il se tatoue les mêmes grains de beauté que Lady Jaye, cette dernière se fait refaire le nez et le menton… On peut suivre cette transformation dans le documentaire The ballad of Genesis and Lady Jaye de Marie Losier (2011), film à la limite de l’expérimental dans lequel Genesis nous explique en voix-off toutes les étapes de cette transformation visant la création d’un nouvel être.

Bande-annonce du documentaire The ballad of Genesis and Lady Jaye – Marie Losier

La pandrogynie s’inspire en quelque sorte du mythe d’Aristophane sur l’androgyne qui serait une figure regroupant deux ‘âmes-soeurs’, figure séparée par les dieux qui depuis n’aurait de cesse que de se reformer. Genesis P-Orridge reprend cette idée en la poussant encore plus loin, plus que la réunion de deux êtres Genesis et Lady Jaye visent la création d’un seul et même être, un pandrogyne, du grec pan (tout), andros (homme), gunê (femme). On retrouve déjà dans le nom un fusionnement des êtres plus qu’un simple assemblage, aussi « l’idée n’est pas d’être jumeaux, mais d’être deux parties d’un nouvel être ».

Les deux artistes par la théorie de la pandrogynie remettent en cause tout un héritage d’une certaine théorie du genre, dans leur court métrage Pandrogeny Manifesto ils disent en effet explicitement « notre identité est fictive, écrite par nos parents et notre famille, notre éducation et société. Nous ne voyons aucun aspect de la personnalité, de l’identité, du corps comme solide, fixé ou inerte ». C’est pourquoi dans la représentation qu’ils offrent d’eux-mêmes le brouillage des frontières entre l’homme et la femme est explicite et revendiqué, la pandrogynie révèle que l’identité biologique ne correspond en rien à l’identité réelle, à l’identité que nous voulons être. On retrouve ce désir de création dans le nom même de l’artiste, Genesis, qui renvoie à l’envie de se présenter comme créateur, créateur de soi, de son identité propre qui n’est dans ce cas plus genrée. En se faisant poser des implants mammaires Genesis ne cherche pas à devenir une femme, il cherche simplement à inventer son corps, un corps qui par la présence de seins peut alors jouer à être genré. C’est cette possibilité d’être qui l’on veut qui importe, ainsi lors de leur mariage Genesis jouait la femme et Lady Jaye l’homme, au quotidien Genesis porte plus des habits masculins mais avoue adorer faire le ménage en talons hauts et porte- jarretelles. On voit donc que la question n’est plus celle de l’appartenance à un genre, mais bien la possibilité de se libérer du corps, selon eux « certains se sentent comme un homme emprisonné dans un corps féminin. Certains se sentent comme une femme emprisonnée dans un corps masculin. Breyer P-Orridge (le nom donné à la figure pandrogyne créée) se sent seulement emprisonné dans un corps. Le Pandrogyne est un androgyne positif, plus hermaphrodite qu’aucun genre. Le Pandrogyne est notre troisième entité mais pas le troisième sexe. »

The Pandrogeny Manifesto – 2006

Cette expérimentation prend malheureusement  en partie fin le 9 octobre 2007 avec la mort soudaine et inattendue de Lady Jaye, mais pour autant Genesis n’abandonne pas les transformations, pour lui Lady Jaye est désormais la représentante de la pandrogynie dans le monde immatériel, tandis que lui-même l’est et continue de se transformer dans le monde matériel, vers une constante création de l’identité par le corps, en dehors de toute idée préconçue du genre.

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L’homme est une actrice
Enora Le Goff

2 thoughts on “De la déconstruction du genre, vers la Pandrogynie selon Genesis P-Orridge”

Commentaire(s)

  • Genesis P-Orridge ne fut pas un pionnier de la scène Industrielle New Yorkaise mais Britannique. Son groupe des années 70, Throbbing Gristle était anglais et basé à Londres. Il/Elle ne s’établit à New York que dans les années 90. Jean-Pierre Turmel

    March 8, 2014 at 7 h 36 min

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