Performance
Au T2G le festival de la Très Jeune Création Contemporaine interroge nos sociétés

Au T2G le festival de la Très Jeune Création Contemporaine interroge nos sociétés

24 May 2013 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Hier s’est ouvert le festival TJCC du T2G... en français, le festival dédié à la Très Jeune Création Contemporaine du Théâtre de Gennevilliers. Chaque année, cet événement vient dire ce qui est à l’avant-garde de l’avant-garde. 

visuel219h30-David Weber-Krebs, Tonigth, lights out!

Jouons cartes sur table, c’est là notre coup de cœur de la soirée ! Le  performeur Belge a créé en 2011 ce drôle de spectacle qui vous mène par le bout du nez.  Dans une salle claire, il est là, assis sur une chaise, face à nous, en U, assis sur les mêmes chaises. Il est l’archétype du garçon bien élevé, tête blonde et chemise repassée. A la façon d’un conteur africain il prend une douce voix pour nous emmener au fin fond de l’Egypte, à l’endroit où un petit garçon quitte son village avec sa maman et sa grand-mère, fuyant l’oppression masculine sous couvert d’une conversion à l’islam pour arriver dans la ville monstre : Le Caire. Il se produit un miracle, vieux d’une tradition chrétienne orthodoxe : celle d’éteindre toutes les lumières à Pâques pour que la résurrection du Christ ait lieu.

David Weber-Krebs raconte, raconte, alors qu’au-dessus de lui des ampoules éteintes sont là par dizaines. La confrontation devient de plus en plus étrange entre le lieu, le T2G est le temple de performance, le récit classique et ces lumières.  N’en dévoilons pas plus. Une autre histoire viendra, celle d’un “Buzz”. En 2005, la Bildzeitung, le tabloïd le plus important d’Allemagne intime l’ordre d’une “extinction des feux entre 20H00 et 20H05”. Cela a fonctionné au – delà de l’imaginable.

Alors quoi ? Cela on le saura en l’expérimentant. Il va s’agir à un moment, pour le public de devenir acteur dans une proposition qui dépasse l’anecdote. Comment faire société ? Comment agir sans se parler ? Comment décider d’une seule voix ? Qui osera ? Qui prendra le pouvoir ? Qui décidera de la fin ?

Du conte à l’expérience la plus intime, celle de la peur du noir David Weber-Krebs nous promène et capte notre attention comme s’ il détenait dans ses mains le pouvoir d’éteindre ou d’allumer notre volonté. Brillant !

20h30 : Oriol Vilanova, Au revoir

Une petite fille blonde, un cercle de lumière et une voix off. Pendant 30 minutes, la gosse va répéter des mouvements qui la font passer de la position de tailleur à allongée. Elle est le fantôme du premier conservateur du Louvre, Hubert Robert, “so sorry” de ne pas trouver le repos.

La proposition est ardue, la voix off monotone y est pour beaucoup mais fait néanmoins effet par la pertinence du texte. Que devient le musée quand les copies sont plus visibles sur les marchés de Provence que les toiles dans les magasins des institutions ?

“L’avant garde est toujours iconoclaste” dit la voix pendant que la gosse erre le regard creux. Au revoir semble être un aveu désespéré de notre culte du passé à tout prix.

Une performance qui manque de rythme et de force.

blackwhite21h30- Alexander-Maximiliam Giesche et Lina Hermsdorf, Black or White

Philippe Quesne est l’artiste associé du T2G et ce n’est pas un hasard si ce duo allemand l’a séduit. On retrouve ici l’esthétique d’un théâtre formel débordant de son cadre pour imposer au public une implication totale.

La passion Daft Punk du moment fait raisonner cette proposition de façon très actuelle. Deux ados, casque de moto très opaque sur la tête dans une pièce blanche dans laquelle nous trouvons des éléments de décors qui auraient pu être ceux de Roméo Castellucci à ses débuts : un ventilateur, un bouquet de ballons et that’s it ! Radical, cela l’est pour sûr.

Les deux vont gloser sur la spéculation boursière comme des enfants qui parleraient de politique. Le ton est décalé, drôle. Surgit une idée à partir d’une crise qui aura duré 17 secondes dans le monde des traders. Que peut-on faire en 17 secondes ? Eh bien, rendre vivant l’art cinétique cher à la tendance du moment en envahissant le plateau de couleurs néons-pop. Rouge, vert… Les baskets fluo de la fille brillent dans la nuit… so cool !

La bande son passe de Zero 7 à Lady Gaga pour ne jouer ensuite qu’avec le bruit des ventilateurs qui brassent le vent. L’agitation va laisser place au calme.

Ce spectacle est une belle photographie générationnelle, ici et maintenant. Des gamins ultra connectés, ultra informés qui ont juste le besoin de tomber le masque et de boire un gin tonic avec des potes.  Dans sa définition, la spéculation est “une activité humaine consistant à imaginer, à anticiper les réactions et activités d’autrui, comme si nous étions à sa place, et à porter un regard sur notre propre activité, comme si nous étions un autre. C’est donc la mise en miroir”.

C’est cela que Alexander-Maximiliam Giesche et Lina Hermsdorf tentent de faire, dans un spectacle moins manichéen que ce qu’il laisse paraître.

Une performance drôle et poétique.

Le festival se poursuit aujourd’hui et demain. Tout le programme : ici

Visuels :

© Marie Urban

© Gerhard F. Ludwig

Infos pratiques

sevres espace loisirs
Théâtre le Funambule
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