Opéra
Wozzeck si proche, à l’Opéra Bastille

Wozzeck si proche, à l’Opéra Bastille

27 April 2017 | PAR Yaël Hirsch

L’Opéra l’Alban Berg, Wozzeck (1925) est de retour à l’Opéra Bastille dans la mise en scène “low-key” du suisse Christoph Marthaler (2008). Porté par le trio de voix constitué par Johannes Martin Känzle, Stephan Rügamer et Gun-Brit Barkmin, cette production 2017 est d’une puissance d’autant plus phénoménale, qu’elle nous fait entrer intimement dans la jalousie du personnage de Büchner. Un Wozzeck proche et magistral à ne pas manquer avant le 15 mai 2017.

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C’est donc sous une tente ordinaire, lieu de rencontre pour garnisons et villageois dans une ville d’Europe de l’Est à peine post-soviétique, que Marthaler plante le décor des jalousies mortelles de Wozzeck. Habilement, il utilise le silhouettes d’enfants à l’action bouleversante en dernier acte pour évoquer, par transparence, du mouvement. Au centre de la tente, à des tables de cantine, les militaires chantent leurs états d’âmes. Le Capitaine (Stephan Rügamer) se fait raser par le soldat Wozzeck et estime que le héros ordinaire (jeu et voix, Johannes Martin Kränzle est parfait) réfléchit trop. On s’ennuie et l’on pense à la vertu des femmes, notamment celle de Marie, la fiancée de Wozzeck (la puissante soprano allemande Gun-Brit Barkmin). Au détour d’un climat de fête mais dans un contexte que l’on sent tendu, l’esprit de Wozzeck s’emballe, avec et malgré les conseils avisés des amis et du médecin, et la jalousie prend toute la place. La machine infernale se met en place jusqu’au bal et sa fin tragique.

Dirigé avec une autorité percutante par Michael Schonwandt, l’Orchestre de l’Opéra  de Paris donne à entendre toutes les nuances de Wozzeck : de la grande musique viennoise et des traces de folklore sur lesquels Marthaler rebondit en faisant monter des musiciens sur scène. Emportés par cette musique, par les danses, par toutes les voix (en final, la jeune Eve-Maud Hubeaux est une révélation) et entrant peu à peu dans l’univers années 1980-punk-à-chiens de l’est de Marthaler, on se glisse tranquillement dans la folie ordinaire de Wozzeck. Le tragique et le trivial se brouillent dans un version magistrale d’un opéra qui semble proche, actuel et presque notre quotidien. Expérience peut-être déroutante pour qui attend les flamboyances et les  sublimes invraisemblances d’un spectacle lyrique “classique”, ce Wozzeck rend hommage à Alban Berg, à Büchner et touche profondément le spectateur.

A noter : Il reste des places  à partir de 50 euros. 

Wozzeck de Alban Berg, d’après la pièce de Georg Büchner, mise en scène Christoph Marthaler, direction: Michael Schonwandt, avec Johannes Martin Kränzle, Stephan Rügamer, Kurt Rydl, Eve-Maud Hubeaux et Gun-Brit Barkmin, 1h45.

Photo © © Emilie Brouchon/OnP

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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