Opéra
Une Traviata bohême, fleurie et réussie aux Bouffes du Nord

Une Traviata bohême, fleurie et réussie aux Bouffes du Nord

20 September 2017 | PAR Yaël Hirsch

Judith Chemla, Benjamin Lazare et Florent Hubert recomposent l’opéra culte de Verdi dans le giron brut des Bouffes du Nord. A la fois peinte à la brosse littéraire de l’originel texte de Théophile Gaultier et rendue plus Bohême contemporaine, cet opéra condense la passion en une dizaine de voix et d’instruments multi-taches pour une fresque fleurie et émouvante. Portée par la performance de Judith Chemla, cette Traviata est un événement.
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Jeune-homme bien sous tous rapports, Alfredo Germont tombe amoureux de la courtisane Violeta. Elle est phtisique et se dit qu’elle mérite enfin l’amour avant la fin. Ils se retirent à la campagne. Mais les mœurs du monde réclament un grand service à l’amour vrai et pur de la dame aux camélia…
Ayant repensé l’héroïne verdienne et sa tragédie à la lumière très littéraire du texte fondateur de Gaultier, Judith Chemla et Benjamin Lazare transforment les Bouffes du Nord en grande serre de passion bohème. Dès la première scène, le côté floral et tissé de la fête explose au visage et la scène ronde du théâtre place les chanteurs et les musiciens au plus proche, comme des camarades de fortune et de fête. Dans cette version modernisée de la Traviata, la passion et l’ordre social continuent de s’affronter, mais sur le mode bohème et fascinant d’une cène égalitaire où chacun joue plusieurs rôles : le chant, le jeu, la musique ont toujours en mouvement et au même niveau. Et chacun pousse aussi un peu les fleurs du mal qui forment le décor.

La transcription musicale de l’opéra pour une dizaine d’instruments et les voix impressionnantes de Judith Chemla et Safir Behloul (à partir du 18 septembre) fonctionnent à plein : on n’est privé d’aucun grand air, même si le chant des tziganes est revu à la sauce sombre d’explorations médicales et même si l’ouverture arrive en fait au deuxième acte laissant place surtout au jeu en entrée de bal. Dans cette composition littéraire et fluide où le chant italien de Verdi et le texte français de Gaultier s’entremêlent avec délicatesse, dans sa robe verte dos nu et transparente aussi bien que dans ses nuisettes de soie sauvage, Judith Chemla est juste éblouissante: elle virevolte, bouleverse dans les airs monumentaux (“E strano”, “Adido del passato”…), se met au piano, danse, parle, chuchote et même elle meurt de manière crédible assise sur une chaise au milieu des fleurs et non loin des bras d’Alfredo…

Le mouvement est la clé de cette vision très originale d’un opéra que la mise en scène de Zefirelli avait peut-être un peu figée. Si certains épisodes de modernisation comme la longue scène parlée sur la préparation des drogues pour la fête sont un peu parachutés, il n’empêche que l’émotion est là et le force cathartique de Traviata joue à plein, même sous la forme plus réaliste “hugolienne” et populaire (accordéon à l’appui) de ce monument de l’opéra qui en vient parfois à symboliser à lui seul sont genre… Buvons donc en l’honneur d’une vision rafraîchissante de Traviata et courons voir ce qu’en ont fait Judith Chemla, Benjamin Lazare et Florent Hubert avant le 30 septembre.
visuel : © Pascal Victor/Artcomart

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