Opéra
Un Samson et Dalila solennel à l’Opéra de Paris

Un Samson et Dalila solennel à l’Opéra de Paris

08 October 2016 | PAR Yaël Hirsch

Jusqu’au 5 novembre 2016, pour la première fois en 25 ans, l’Opéra Bastille présente une nouvelle production de l’Opéra de Camille Saint-Saens, Samson et Dalila (1877). Majestueusement dirigée par Philippe Jordan et portée par trois voix simplement parfaites dans leurs rôles (Anita Rachvelishvili, Aleksandrs Antonenko et Egils Silins), l’histoire biblique fascine et séduit à la mesure de son héroïne.
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Dès les premières notes, l’Orchestre de l’Opéra National de Paris et son chef d’orchestre Philippe Jordan nous plongent avec sensualité et sensibilité dans l’orientalisme de la musique de Saint-Saens. Impressionnants tout au long des trois actes, ils seront régulièrement acclamés par le public. Le premier acte s’ouvre sur un mur et raconte à grands renforts de chœurs solennels (excellents Choeurs de l’Opéra National, bouleversants dans “Israël, rompt ta chaîne”) l’oppression des Hébreux par les Philistins et leur révolte grâce au puissant Samson. La mise en scène de Damiano Michieletto s’inspire vaguement des dictatures du 20e siècle et probablement du fascisme italien pour opposer une sorte de fosse grise où le peuple souffre et défile en dessous blancs, à la manière des mannequins de la plasticienne Vanessa Beecroft. Et au dessus de la mêlée apparaît bientôt une alcôve art déco d’hôtel design prétentieux où les Philistins sont habillés en soie années 1920 et où repose la belle Dalila. Si dans cet acte, Aleksandrs Antonenko reste encore un peu discret derrière la puissance ces chœurs, dès son apparition dans le rôle de la traîtresse vengeresse (et malgré la nuisette framboise informe dont on l’affuble) Anita Rachvelishvili envahit toute la scène.

Au deuxième acte, l’alcôve prend toute la place et Dalila qui a demandé à Samson de la rejoindre hors de la ville fomente avec le grand prêtre (Egils Silins) sa vengeance ainsi que celle de son peuple. Ce deuxième acte se passe pratiquement de mise en scène tant les duos s’enchaînent, d’abord avec le père puis avec l’amant. Danseuse, charmeuse, mais ancrée dans son éblouissant et chaleureux timbre de mezzo puissant, Anita Rachvelishvili EST Dalila. A la perfection. Et en face, les voix masculines donnent le meilleur d’eux-mêmes, notamment Antonenko dont on découvre la force au moment où son personnage va se la faire prendre. Avec l’illustre (et parfaitement exécuté) air de “Mon coeur s’ouvre à la voix”, Dalila ouvre la porte de l’amour, la confiance, les serments et obtient le secret de Samson. Et sa dépossession. On ne voit pas passer le deuxième acte et l’on en sort choqué, comme sous le coup de fatalité qui vient de tomber sur Samson.

Au troisième acte, après un vrai morceau de bravoure pour Antonenko qui nous donne la chair de poule d’émotion dans le “Vois ma misère hélas!”, l’orientalisme est à son comble. Et si l’on est de retour dans la fosse fasciste où le peuple, la mise en scène de Michieletto prend en compte les envolées de l’intermède musicale qu’il transporte en cérémonie du veau d’or où les figurants et choeurs se changent pour se vêtir de brocart mordoré et fêter la victoire des philistins. Grimée en Cléopâtre, Dalila évite la mort à Samson aveugle, baigné d’alcool et menacé par un briquet. Et puis les chœurs s’enchaînent jusqu’au brutal drame final.

Au salut, c’est une pluie d’applaudissement que reçoivent les chanteurs et notamment la diva Anita Rachvelishvili, époustouflante et le public reste pour applaudir encore et encore l’orchestre, les chœurs, les chanteurs qui donnent corps, chair et présence – tout en fluidité- à l’un des plus grands opéras français. A ne pas manquer.

Samson et Dalila, de Camille Saint-Saens, avec Anita Rachvelishvili, Aleksandrs Antonenko, Egils Silins et Nicolas Testé, livret : Ferdinand Lemaire, mise en scène : Damiano Michieletto, durée : 3h05 avec deux entractes. Diffusion en direct dans les salles de cinéma le 13/10, diffusion en VOD sur Arte Concert ultérieurement.

visuels : Vincent Pontet / ONP

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Géraldine Bretault
Diplômée de l'École du Louvre en histoire de l'art et en muséologie, Géraldine Bretault est conférencière, créatrice et traductrice de contenus culturels. Elle a notamment collaboré avec des institutions culturelles (ICOM, INHA), des musées et des revues d'art et de design. Membre de l'Association des traducteurs littéraires de France, elle a obtenu la certification de l'Ecole de Traduction Littéraire en 2020. Géraldine a rejoint l'aventure de Toute La Culture en 2011, dans les rubriques Danse, Expos et Littérature. Elle a par ailleurs séjourné à Milan (2000) et à New York (2001, 2009-2011), où elle a travaillé en tant que docent au Museum of Arts and Design et au New Museum of Contemporary Art. www.slowculture.fr

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