Opéra
“Only the sound remains” : Saariaho, Sellars Jaroussky et Tines font chatoyer le “Nô” des morts  à l’Opéra de Paris

“Only the sound remains” : Saariaho, Sellars Jaroussky et Tines font chatoyer le “Nô” des morts à l’Opéra de Paris

26 January 2018 | PAR Yaël Hirsch

Crée à Amsterdam en 2016 sur deux pièces de Nô japonais revue par Ezra Pound, le nouvel opéra de la compositrice finlandaise Kaija Saariaho (née en 1952) arrive sous le beau plafond chagallien de Garnier. Retrouvant Peter Sellars à la mise en scène, Saariaho propose dans Only the sound remains une musique entre acoustique et électronique harmonieuse, méditative et hantée. A voir avant le 7 février 2018.
[rating=3]

Tout commence par un sifflement tellement doux qu’il n’évoque même pas le pêché origine, devant une toile en transparence et à la fois brute de Julie Mehretu, Peter Sellars fait jouer inlassablement et selon mille nuances l’ombre et la lumière tandis que le baryton Davone Tines et les quatuor de voix plongé avec l’orchestre dans la fosses font les gestes traditionnels de la piété : Dans un premier décor littéralement “noir”, aux vêtements assortis, le prêtre incarné par Tines qui vient porter son luth sur la tombe du héros Tsunemasa (Philippe Jaroussky). Ce dernier, mort à la guerre, revient de l’ombre pour dire à quel point la vie lui manque. La musique laisse transpirer l’angoisse du défunt, malgré le souci et pari réussi de Kaija Saariaho de créer de l’harmonie sans retomber dans le tonal, tandis que la direction des chanteurs-acteurs par Sellars transmue la rencontre du fantôme et du prêtre en véritable scène d’amour. A la fin, après un coup de projecteur tenu par les protagonistes qui allonge les ombres au maximum des possible. il ne reste que le son. Toujours le “soufflement”, puisque Tsunemasa parle encore quand il retourne chez les morts.

Après un entracte de 20 minutes, on nous plonge dans un autre conte Nô que les deux chanteurs et les décors de Julie Mehretu relie à la scène précédente. Il s’agit désormais de la rencontre d’un pêcheur (bloc minimal pour la barque) qui trouve un manteau de plume (essentialisé en chemise de voile). L’esprit de la lune lui demande de lui rendre, tout cela dans un blanc nacré et une levée de grands tableaux de Mehretu, où s’infiltre la gracieuse danseuse Nora Kimball-Mentzos. La musique se fait encore plus légère et la voix de Jaroussky poussée par un travail du son semble s’envoler. Cette fois-ci alors que lange disparaît et que le silence tombe, il ne reste que l’image du pêcheur.

Cette jolie pièce où la compositrice réussit son pari de réconcilier le kantele finlandais (instrument traditionnel) avec le Nô japonais, bénéficie de l’expérience de Peter Sellars, qu avait déjà travaillé sur le texte de Pound, 30 ans avant la création de l’opéra. Les musiciens, dirigés par Ernest Marinez Izquierdo, le choeur et deux chanteurs sont exceptionnels : fidèle à la réputation divine de sa voix, Jaroussky tente vraiment d’incarner un mort et un ange, avec force et conviction, tandis que l’émouvant timbre de Davones Tines épouse de véritable mouvements chorégraphiés, notamment dans l’impressionnant final du deuxième conte. Malgré toutes ces belles énergies et cette rencontre de génies, le résultat est très joli, mais manque de poigne et de relief. On se laisse aller avec la musique sans jamais rentrer ni dans la prière, ni dans la rencontre du vivant et du mort. Le miracle qui avait eu lieu avec le duo Saariaho/Sellars pour le saisissant Amour de Loin, créé à Salzbourg en 2001, ne s’est pas reproduit.

visuel : (c) Ruth Walz

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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