Opéra
“Madama Butterfly”: une version riche en émotions au Théâtre des Champs-Élysées

“Madama Butterfly”: une version riche en émotions au Théâtre des Champs-Élysées

08 November 2017 | PAR Sarah Reiffers

Le temps d’un soir, la scène du Théâtre des Champs-Élysées s’est enflammée sous l’histoire tragique de Cio-Cio-San contée dans Madama Butterfly, le célèbre opéra de Puccini donné là en version concert. Une soirée magique et chargée en émotions grâce au talent d’une équipe en or, couronnée par l’excellente Ermonela Jaho, véritable diva contemporaine à qui l’on retourne bien volontiers les baisers envoyés au public lors du salut.

 

Ils avaient déjà triomphé aux Chorégies d’Orange l’été dernier. L’Orchestre philharmonique de Radio France, dirigé par Mikko Frank, s’était entouré d’un casting quatre étoiles, la soprano Ermonela Jaho (Cio-Cio-San), la contralto Marie-Nicole Lemieux (Suzuki), et le ténor Bryan Hymel (Pinkerton), pour une interprétation très applaudie de Madama Butterfly, le chef d’œuvre de Puccini. La même équipe s’est retrouvée hier soir pour une unique représentation sur la scène du Théâtre des Champs-Élysées. La qualité et l’émotion étaient au rendez-vous, le public aux anges – bref, une soirée de laquelle on ressort paré pour affronter la semaine, voire le mois tout entier.

Avec cette tragédie grecque revisitée à la sauce japonaise, Puccini s’attaque à la face méprisable des hommes américains en pays conquis, cherchant à montrer que la noblesse qui leur est facilement attribuée n’est en réalité rien d’autre qu’un simple masque. Ici et là, l’hymne national américain résonne avant de disparaitre sous des tonalités plus sombres, présage de la tragédie à venir, comme si la musique se moquait de cet air de liberté hypocrite. Et quelle tragédie en effet, de celles dont l’opéra du 19ème et 20ème siècles raffole, que cette histoire d’une adolescente japonaise mariée à un officier américain qui mettra fin à ses jours lorsqu’elle se réalise abandonnée, déchue, et trahie par lui.

Madama Butterfly, c’est avant tout l’expression et la sublimation de maux universels, à savoir la perte et l’amour non retourné puis trahi. La musique de Puccini l’exprime à la fois en délicatesse et légèreté («Un Bel Di Vedremo») et en tintamarre tonitruant quand les cuivres et les percussions viennent s’ajouter aux cordes («Con onor muore»). Elle se veut tantôt allègre, évoquant la douceur presque féerique du printemps et d’une nuit étoilée, tantôt dévastée, lorsque l’être aimé se fait absent et finalement traître.

Mais Madama Butterfly, c’est aussi un rôle, celui de Cio-Cio-San, jeune adolescente de 15 ans qui épouse un américain beaucoup plus âgé qu’elle. Lui n’est là que pour s’amuser, profitant avidement de la loi japonaise et de la pratique de l’omiai, qui autorise les mariages éphémères. Elle, cependant, est éperdument amoureuse et y croit dur comme fer. De la femme-enfant à la timidité amoureuse dans le premier acte, chantant l’amour et la joie, elle devient une femme rongée par l’attente dont les chants d’espoir puis de désespoir hantent les deuxième et troisième actes. La chanteuse albanaise Ermonela Jaho l’incarne corps et âme, de cette sensibilité et animation qui lui sont propres: elle est plus qu’elle n’interprète Cio-Cio-San, et s’effondrera avec elle sur scène après avoir porté sa toute dernière note. A ses côtés, l’américain Bryan Hymel et la canadienne Marie-Nicole Lemieux rayonnent, le premier en officier trompeur dont les airs d’amour semblent trop beaux pour être vrais, la dernière, grande habituée du Théâtre des Champs-Élysées, prêtant sa voix ample à la servante au bon cœur Suzuki. Plus de cent ans après sa première représentation, Madama Butterfly continue a émerveiller – et a trouvé en la représentation d’hier soir une version majestueuse et de très haute qualité.

Visuel: SR

 

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Sarah Reiffers

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