Opéra
[Live-Report] Rigoletto ouvre en beauté le deuxième festival d’opéra de Jérusalem

[Live-Report] Rigoletto ouvre en beauté le deuxième festival d’opéra de Jérusalem

23 June 2016 | PAR Yaël Hirsch

Pour la deuxième année, le festival d’Opéra de Jérusalem investit le site historique de la piscine du Sultan, les 22 et 23 juin 2016 avec deux volets colorés d’art lyrique pour se prolonger dans la ville jusqu’au week-end avec de nombreux show et événements familiaux. Toute La Culture était à la journée d’ouverture, qui nous a permis d’en apprendre plus sur la politique culturelle à Jérusalem depuis une dizaine d’années, ainsi qu’à l’opéra qui marque de son sceau cette deuxième édition : Rigoletto de Verdi, donné en plein air à la tombée de la nuit. Live-report d’une journée de culture lyrique à Jérusalem.

Alors qu’un groupe de journalistes venus du monde entier est présent à Jérusalem pour son festival d’Opéra, à peine sorti d’un entretien avec Helen Mirren, le maire de la ville depuis 2008, Nir Barkat, vient à notre rencontre pour nous parler de sa vision pour Jérusalem, ville qui a beaucoup changé sous ses deux mandats, et dans son urbanisme et dans son dynamisme, devenant motrice en termes d’offre culturelle et d’événements internationaux.

Un peu plus tard ans la journée, la conférence de presse  présidée par le directeur général du ministère du tourisme, Amir Halevy et qui a eu lieu à la fameuse tour de David où s’est déroulé un imposant son et lumières sur l’Histoire de cette ville tant convoitée. La directrice du tourisme de la ville, Inalit Melchior nous a adoubés, en tant que journalistes, ambassadeurs de la ville dans le monde, tandis que la directrice de l’opéra d’Israël, Hannah Munitz nous a expliqué les enjeux du Festival d’Opéra de Jérusalem – qui vient ajouter de l’opéra en plein air à celui mythique de Massada, dans une ouverture au monde et aux familles israéliennes- dans un pays où la tradition de l’Opéra est plutôt récente (avec la création d’un studio de chanteurs éblouissant) et pour l’instant concentrée à Tel-Aviv. Elle en a profité pour annoncer que le festival continuera, notamment l’an prochain avec un autre Verdi en ouverture : Nabucco, emblématique pour son action et son chœur des Hébreux. Ce festival ayant lieu avec le soutien de l’association Seed the dream, fondée par l’américain Alfred Greenberg, son fils, Joël, a pris la parole pour exprimer avec émotion ce que représente pour une famille juive-américaine passionnée d’Opéra, l’idée de participer à la fondation d’un festival dans la ville du Temple.

Juste avant la représentation, nous avons pu passer sous la scène pour entrer dans les coulisses de Rigoletto. Tandis que les chanteurs se faisaient maquiller, nous avons pu rencontrer le chef d’orchestre, le maestro italien Francesco Ciluffo, la metteuse en scène Julie Pevzner, qui a adapté à la piscine du Sultan les décors imaginés par David Putney pour la production de cet opéra à Tel-Aviv en 2014 et la jeune et hyper-talentueuse chanteuse incarnant Gilda, la fille de Rigoletto, ce soir-là : Hila Fahima. Cela a été l’occasion d’en apprendre plus sur la vie nomade d’un chef d’orchestre international, toujours ravi de venir en Israël, et – comme Leonard Bernstein- compositeur dans les aéroports et surtout sur la manière dont le programme pour jeune chanteurs israéliens, le Studio Opéra, a pu lancer la carrière d’un talent comme Hila Fahima, partie depuis en Allemagne se perfectionner mais tellement ravie d’incarner une des plus grandes héroïnes verdiennes en son pays…

A 19h50, les immenses gradins installés en plein air au pied des murailles de Jérusalem sont encore à moitié vides. Certains habillés pour l’occasion, d’autres en tenue plus décontractée, les jérusalémites ne prennent place qu’au tout dernier moment. Si certains arrivent en cours de route, l’attention est grande, y compris chez les familles, pendant près de 3 heures de spectacle (avec 20 minutes de pause). Sur fond de rideau rouge tragique, avec une scénographie épurée faite de boîtes transparentes, de chaises et d’une grande table qui fait aussi scène dans la scène, avec des costumes élégants, 19ème (l’opéra a été créé à la Fenice en 1851) et épurés, la version chantée du  Roi s’amuse de Victor Hugo commence et certains airs des chœurs (les chœurs de l’Opéra d’Israël sont magnifiques !) ou la fameuse « Dona e mobile » chantée par ce séducteur de Duc sont déjà connus du public qui résiste à la tentation de fredonner. Avec une direction énergique et vivante de Francesco Ciluffo, l’Orchestre Symphonique de Jérusalem est bluffant, notamment dans un contexte où le vent et les passages des voitures proches troublent l’attention et la direction du son.

Dans le premier acte la tension dramatique monte exactement comme il faut pour prendre tout son envol dramatique et lyrique avec le premier duo entre père et fille.  Cherchant à se venger du bouffon Rigoletto (interprété et joué avec émotion par la basse Boris Satsenko), des hommes de cour décident de le flouer et d’enlever celle qu’ils croient être sa maîtresse mais qui se trouve en fait être sa fille, Gilda (Hila Fahima, donc, révélation de cette première soirée de Festival : la soprano coloratur est puissante, vibrante, sa voix flirte avec la perfection dans les notes les plus hautes et la beauté de la jeune femme convient parfaitement au rôle). Celle-ci se laisse d’autant plus volontiers prendre, qu’elle a remarqué à la messe du dimanche le fameux Duc de Mantoue (Salvatore Cordella, dont la voix se stabilise dans le dernier acte). Pour le deuxième acte où Rigoletto retrouve sa fille déshonorée par le très infidèle Duc de Mantoue, nous sommes complètement pris par l’émotion de la musique et de l’intrigue et le duo désespéré et plein de tendresse entre fille et père « Si, vendetta » finit de nous bouleverser.

La pause de 20 minutes a lieu debout à parler beaucoup de la soprano et quand le rideau rouge se rouvre, nous sommes éblouis par le quatuor entre père et fille et les deux brigands payés par Rigoletto pour tuer le duc et venger sa fille. En Maddalena provocatrice, Oksana Volkova fait sensation avec ses graves et son jeu troublants. Toujours éblouissante, Hila Fahima interprète avec conviction la jeune-femme qui se sacrifie pour un homme infidèle et indigne de son amour. Sobre et toujours aussi bon acteur Boris Satsenko clôt parfaitement la tragédie et l’accomplissement de la malédiction. Le public applaudit à tout rompre avant même que l’orchestre ait pu tout à fait finir et le salut est généreux : une voix off présente les chanteurs et les artistes un à un, tous sont longuement applaudis. C’est une très belle production de Rigoletto qui marque donc la première soirée de ce Festival de l’Opéra de Jérusalem. Ce jeudi 23 juin, l’art lyrique résonne à nouveau dans la Piscine du Sultan, mais avec cette fois-ci, des morceaux choisis qui lient opéra et cinéma. Attention, place au 7e art avec Opera Paradiso

visuels : YH

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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