Opéra
“La Chatte métamorphosée en femme” d’Offenbach : pétulance et grâce féline à l’auditorium d’Orsay

“La Chatte métamorphosée en femme” d’Offenbach : pétulance et grâce féline à l’auditorium d’Orsay

10 February 2014 | PAR Céline Duverne

Du 4 au 9 février, l’auditorium du Musée d’Orsay mettait en scène La Chatte métamorphosée en femme, composé par Offenbach quelques mois avant l’oeuvre-phare qui lui valut la reconnaissance du public, Orphée aux Enfers. Escortée par des musiciens et interprètes de talent, Alexandra Lacroix rend un bel hommage à l’esprit singulier de cet opéra-comique, dans une mise en scène pétillante et légère.

Offenbach

L’intrigue, nous la devons à une fable d’Esope reprise par La Fontaine et qu’Offenbach, à son tour, détourne à sa guise. Misanthrope désargenté, le jeune Guido (François Rougier) se passionne pour sa chatte Minette (Francesca Bonato). Au grand dam de sa gouvernante Marianne (Pauline Sabatier), il refuse de rencontrer sa riche cousine qui prétend l’épouser. Un stratagème se met en place pour le détourner de cet amour coupable. Un intendant de son père (Guillaume Andrieux) se présente à lui comme un jongleur indien adepte de métempsychose, disposé à donner à Minette l’apparence d’une belle jeune fille. Une fois l’animal caché, la cousine (Magali Léger) lui succède et séduit le crédule Guido. Celui-ci ne tardera pas à se repentir de son vœu…

Des paroles ébouriffantes servies par une musique sautillante, qui fait la part belle aux instruments à bec : le parti pris du divertissement est revendiqué. En accord avec ce credo, les interprètes joignent le geste à la parole ; on saluera tout particulièrement les performances acrobatiques de la danseuse Francesca Bonato, dans le rôle de la chatte avant sa métamorphose, et celles du jongleur indien Dig Dig. Le décor très sobre, adapté à la déroute financière du héros, parvient avec peu de moyens à enflammer la scène. Un lustre placé en son centre fournit un point d’appui aux contorsions félines et sous-tend une explosion de couleurs lorsque Minette, pour faire honneur à son ancien état, y suspend les pelotes de laine déroulées de la malheureuse Marianne. L’apparition du fantasque Dig Dig puis de la pétulante cousine, sémillante dans sa robe bleu lagon, marque l’irruption de la fantaisie dans cet ensemble lugubre. Les acrobaties sont également vocales : révélée en 2003 par les Victoires de la Musique, Magali Léger trouve un rôle à sa mesure dans une enivrante ballade indienne ponctuée de « Miaou ».

Des premiers pas au dénouement, le beau sexe mène la danse. Soumis aux caprices d’un animal auquel il sacrifie sa propre nourriture, sourd aux exhortations de sa gouvernante, Guido hante la scène comme un fantoche, le plus souvent assis voire avachi à même le sol. A ses côtés, ses homologues féminins forment un trio plein de vitalité. Au fil de l’œuvre, une dynamique de rivalité, d’attraction et de répulsion se met en place entre elles. Contrairement à ce qu’indique le livret, la chatte n’est pas retranchée du décor après l’arrivée de la cousine ; fantasme entêtant, elle continue à arpenter la scène, invisible pour Guido. Plus tard, une séquence musicale dépourvue de paroles réunit le trio féminin dans une danse sensuelle où elles semblent converger comme autant de facettes d’une seule médaille, galbées dans leurs lumineux costumes mordorés (cf. visuel).

Une collusion féminine tout à fait en accord avec l’esprit du texte où se révèle, sous couvert d’intempérance féline, une appréhension libertaire et novatrice du comportement féminin. « Guido, borné par ses principes et son quotidien, se retrouve cerné et manipulé par trois incarnations féminines décidées à s’arracher son attention. Le crédule courtisé […] s’adresse, malgré lui, à ces trois femmes comme si elles n’en étaient qu’une », analyse Alexandra Lacroix dans sa note d’intention.

Nous ressortons charmés de ce spectacle dont le grand mérite consiste à rendre tangibles, par un subtil jeu de mouvements, d’ombres et de couleurs, les enjeux d’un divertissement où la légèreté réside, peut-être, bien davantage dans la virtuosité des interprètes que dans la moralité de l’oeuvre. On ne peut déplorer qu’un seul bémol quant à l’exécution : en l’absence de surtitrage, la compréhension du livret signé Scribe et Mélesville est parfois malaisée.

Visuels : © Affiche officielle.

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Céline Duverne

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