Opéra
King Arthur de Purcell : la légende ensoleillée par Leonardo Garcia Alarcon et Martial di Fonzo Bo au Grand Théâtre de Genève

King Arthur de Purcell : la légende ensoleillée par Leonardo Garcia Alarcon et Martial di Fonzo Bo au Grand Théâtre de Genève

27 April 2018 | PAR Yaël Hirsch

Que se passe-t-il lorsque deux argentins prennent les rennes du mythique semi-opéra de Henry Purcell, King Arthur (1691) ? Les costumes se colorent, les esprit celtiques se “méditerranéisent” et la fluidité prend le pas sur la légende nationale. Une production à voir au Grand Théâtre de Genève jusqu’au 9 mai.

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Alors que le roi Arthur (Simon Guélat) aidé de Merlin (Cédric Leproust) combat les saxons de toutes ses forces et qu’il est sur le point de l’emporter, sa belle, Emmeline (Laure Aubert) est enlevée par Osmond (Thomas Scimeca). La bataille est donc double : au nom de la Bretagne mythique et aussi au nom de l’amour. Tout comme la forme de ce demi-opéra à l’anglaise est double avec un texte théâtral dit et une musique qui intervient à des moments clés. Ainsi, il y a beaucoup de mots entres les morceaux de bravoures très attendus comme l’air du froid, les choeurs éblouissants interprétés par le Choeur du Grand Théâtre de Genève, l’air des sirènes “Two daughters of this aged steam” ou la Passacaille “How happy the lover”. A la tête de sa Cappella Mediterranea Leonardo Garcia Alarcon est d’une précision et d’une énergie irrésistibles. Nous plongeant dans la musique du 17e siècle comme dans un bain d’évidence, il ponctue parfois certains monologues d’autres extraits de Purcell, ce qui rend plus fluide le rapport entre le parlé et le chanté.

Grignotant la salle depuis la scène avec une estrade qui passe devant l’orchestre, Martial di Fonzo Bo avec la scénographe Catherine Rankl, exploite de manière intéressante la spécificité du Théâtre des Nations : l’absence de verticalité et de cintres. Et pour la légende d’Arthur, entre conquête militaire et enlèvement de femmes, cette largeur de l’action fonctionne bien. Elle culmine d’ailleurs quand les chœurs remontent dans les allées et entourent le public à la fin du 4e acte. Les costumes et les décors sont touchés par la grâce Di Fonzo Bo et portent sa signature : des robes mythiques et nacrées de sirènes peuvent succéder à des uniformes en cotons noirs et blancs, de même que des décors de forêts dessinées à la Kentridge peuvent ouvrir sur un plateau pus dénudé où le reflet des acteurs etc chanteurs dans un grand miroir tient lieu de décor. Tout ceci est preste, calibré et passe comme la vie-même, avec une fluidité et un soin de faire ressortir les aspects ovidiens et méditerranéens de la légende d’Arthur. Le festin des yeux culmine avec l’air du froid, parfaitement et gravement interprété par Grigory Shkarupa emprisonné dans un duvet métaphysique de neige. Toujours côté voix en Vénus, l’on apprécie Bernarda Bobro et en Nymphe, l’on remarque Julia Elena Preda.

Tandis que Leonardo Garcia Alarcon compare Purcell à Shakespeare en son domaine, dans le programme du Grand Théâtre, et que les bis et la joie de l’équipe enchantent le public, l’on sort du spectacle des belles images pleins la tête. Mais  aussi  avec le désir de plus de musique et toute une série de questions sur cette dualité entre la parole et la musique dans la forme semi-opéra…

visuel : GTG / Carole Parodi

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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