Opéra
Un flamboyant Mefistofele ouvre les Chorégies d’Orange 2018

Un flamboyant Mefistofele ouvre les Chorégies d’Orange 2018

06 July 2018 | PAR Yaël Hirsch

Les 5 et 9 juillet, Erwin Schrott, Jean-François Borras et Beatrice Uria-Monzon incarnent le trio Mefistofele – Faust – Marguerite dans l’unique opéra achevé de Boito (1868) en ouverture des Chorégies d’Orange 2018. Un Opéra puissant et flamboyant au Théâtre Antique, avec les chœurs de Nice et Monte-Carlo et l’Orchestre philharmonique de Radio France sous la direction de la merveilleuse Nathalie Stutzmann.

C’est à 21:45, à l’orée de la tombée de la nuit que commence ce Mefistofele dans une ambiance féerique. Tandis que les spectateurs sont fin prêts, munis de leur coussin portatif et parfois même leur dossier en carton, pour s’asseoir plus confortablement sur les gradins en pierres blanches du Théâtre Antique, c’est tout en blanc que les Chœurs des Opéras d’Avignon et Monte-Carlo et le Chœur d’enfants de l’Académie Rainier III de Monaco font leur entrée. Ils grimpent sur des haut échafaudages pour atteindre la hauteur des colonnes qui reproduisent celles du lieu. Au pied de la scène, entouré d’un cercle de verdure, l’Orchestre est concentré sur la direction à la baguette de Nathalie Stutzmann. Les trompettes, elles, se font entendre depuis la coulisse.

Dans cette version italienne et très mystique de la légende écrite par Goethe, les deux premiers longs tableaux mettent en scène Pâques à Francfort et sont une fête des chœurs où l’orchestre donne à entendre toute la finesse et la mélodie des compositions de Boito. A grand renfort de costumes (blancs et noirs puis colorés, très comedia dell’arte), de projections de plus en plus visibles à mesure que ne tombe la nuit et de danses très classiques, la mise en scène de Jean-Louis Grinda joue sur la vague kermesse joyeuse en fond de drame existentiel. Le public apprécie l’ampleur des effets. Qui savent néanmoins s’arrêter quand les héros entrent en scène : quand Faust rencontre Mefisto, un simple bureau sur scène suffit et les voix de Erwin Schrott, Jean-François Borras remplissent le Théâtre Antique autant que tous les chœurs réunis. Après une grande frayeur parfaitement bien gérée par Schrott, qui réussit à blaguer du tangage au bord du renversement de la nacelle qui le portait en altitude avec son collègue, c’est au tour de Béatrice Uria-Monzon d’entrer en scène en Marguerite avec Marie-Ange Todorovitch en Marta pour un superbe quatuor de voix devant l’orchestre.

Le vent nous en enlève un peu mais, dès le retour de l’entracte, Uria-Monzon éblouit et nous émeut aux larmes dans la Mort de Marguerite. Le duo avec Jean-François Borras nous transperce le cœur tandis qu’une scène d’illusion sublime et néo-romaine permet aux chanteurs de se glisser dans des costumes ad hoc pour le cadre du Théâtre Antique. Seul Mefistofele garde la veste de cuir et continue de nous éblouir du Sabbat à la fin tandis il danse, joue, résonne et nous enveloppe de sa voix toute-puissante.

Lorsque les chœurs reprennent toute la place dans un final où la neige tombe et la beauté monte encore, le public est entièrement avec les personnages. Les saluts sont ovationnés et Nathalie Stutzmann traitée en impératrice ! Contralto connue et reconnue, cette grande musicienne est passée à la direction avec son Ensemble Orfeo 55 et dans un répertoire volontiers baroque (à part un disque Schumann) comme en témoigne le merveilleux album Quella Flamma qui reprend le manuel classique de compositeurs “antiche” de Alessandro Parisotti, que les chanteurs du 19e siècle apprenaient quand ils faisaient leurs classes. Depuis peu, elle brille dans la direction d’opéra avec notamment un Tannhauser à Monte-Carlo et ce Boito avec l’Orchestre Philharmonique de Radio France, mené avec une finesse et une émotion admirable qui finissent de prouver que, désormais, quand on parle grand chef d’orchestre, il faudra compter avec elle.

Ne manquez pas la reprise de Mefistofele le 9 juin et entre-temps allez fêter la Musique Russe, ce dimanche 8 juin, aux Chorégies d’Orange.

Visuels : YH

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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