Opéra
“Elektra” à l’Opéra de Lyon: Non ma fille, tu n’iras pas danser

“Elektra” à l’Opéra de Lyon: Non ma fille, tu n’iras pas danser

28 March 2017 | PAR Julien Coquet

En plein festival Mémoires, l’Opéra de Lyon propose l’Elektra de Richard Strauss montée par Ruth Berghaus en 1986 à Dresde. Un dispositif scénique original et un plateau vocal intéressant font de  la représentation un bon moment.

[rating=3]

L’Elektra de Ruth Berghaus appartient à ses productions mythiques, à ses mises en scène que chaque mélomane connaît. Retour en 1986 : Ruth Berghaus, venant de la DDR, est perçue comme le metteur en scène d’opéra le plus important d’Allemagne. Ayant déjà produit une Elektra en 1980, la chorégraphe et directrice de théâtre et d’opéra remet en cause sa réflexion : qu’à cela ne tienne, puisque la fosse de l’Opéra de Dresde est trop petite pour accueillir l’immense orchestre de Richard Strauss, il sera placé sur scène et deviendra partie intégrante du drame. Les chanteurs, de leur côté, évoluent sur un décor monumental placé au-dessus de l’orchestre. La mise en scène fut un tel triomphe qu’elle est reprise, entre 1986 et 2009, 77 fois à l’opéra de Dresde.

Le décorateur, Hans Dieter Schaal, tente d’expliquer ce succès : « Ce qui fascinait jadis tant les spectateurs dans notre Elektra, je ne sais pas. Peut-être ressentaient-ils cette interprétation comme provocante. J’y contribuais certainement comme décorateur venant de l’Ouest. Pour moi la tour d’Elektra avait quelque chose d’une tour d’observation. Elektra regardait dans le lointain comme beaucoup de soldats de la DDR, mais aussi comme beaucoup de citoyens. Elle attendait son frère Oreste et aspirait à la vengeance de la mort de son père. »

Sur sa tour de guet, et ce dès le lever de rideau, alors que s’affèrent les servantes qui chassent les mouches (pensez à la pièce de Jean-Paul Sartre) qui envahissent le palais, Elektra, abandonnée de tous, guette le retour de son frère, « Allein ! Weh, ganz allein… » (Seule ! Hélas, complètement seule…). S’enchaîne ensuite un opéra qui monte crescendo et qui ne connaîtra qu’une respiration lors de la scène de reconnaissance entre Oreste et sa sœur. Tout le reste (ou presque) n’est que forte, puissance, rugissements, cris…

Cette violence de la musique de Richard Strauss ressort à travers la direction de Hartmut Haenchen, que l’on avait entendu la veille diriger Tristan et Isolde. A la tête d’un orchestre de 120 musiciens (dont 24 violons), le chef fait ressortir la complexité et la tension qui impriment toute l’œuvre, de l’accord tonitruant initial à la danse finale qui devient danse macabre. Situés au deuxième balcon, nous avons trouvé que l’orchestre couvrait de temps à autre le plateau vocal : face à une telle intensité dramatique et une telle énergie par le chef, il semble parfois difficile pour les chanteurs de s’imposer. Mais, puisqu’il est difficile voire impossible d’écrire une critique objective, on nous rétorquera que lors des répétitions de son Elektra à Dresde, Richard Strauss avait eu ce fameux bon mot : « Plus fort ! J’entends encore Madame Heink », pourtant connue pour sa puissance vocale.

Lioba Braun est une Clytemnestre impitoyable face à sa fille, contant ses rêves d’une manière imperturbable. Elektra, justement, est une Elena Pankratova révoltée et habitée par le rôle qu’elle incarne, aux piani parfaitement maîtrisés. Notons que nous avons plutôt affaire ici à une Elektra calme et parfaitement rationnelle, calculant le meurtre qu’elle médite depuis des années, plutôt qu’affaire à une folle habitée seulement par la passion de la vengeance.

La Chrysothémis de Katrin Kapplusch campe une sœur qui a souhaité passer à autre chose après le meurtre de son père par sa mère et son amant. Dans une robe couleur soleil face à une Elektra tout droit sortie de la poussière et de la grisaille, Katrin Kapplusch dévoile une belle prestation servie par une voix à la puissance bienvenue. Egisthe, interprêté par Thomas Piffka, est un solide roi comique contre son gré tandis que l’Oreste de Christof Fischesser, entendu en Roi Marke, confirme l’impression de la veille : on a là affaire à un très grand chanteur.

Elektra de Richard Strauss à l’Opéra de Lyon le dimanche 26 mars 2017. Direction musicale de Hartmut Haenchen et mise en scène de Ruth Berghaus.

Visuel: ©Stofleth

Galerie Maubert : Les évasions de Nicolas Daubanes
[Bruxelles] L’avant-garde “douce” de Rik Wouters aux Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique
Julien Coquet

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration