Opéra
Création de “Mririda” d’Ahmed Essyad: vive la musique contemporaine !

Création de “Mririda” d’Ahmed Essyad: vive la musique contemporaine !

27 September 2016 | PAR Julien Coquet

La création de l’opéra de chambre d’Ahmed Essyad, le 24 et le 25 septembre 2016, fait ressortir une partition complexe tout à fait intéressante appuyée par de grandes qualités vocales. Le livret et la mise en scène ne parviennent cependant pas à convaincre le spectateur.

[rating=3]

Chaque année depuis 1983, le festival Musica à Strasbourg est en France un rendez-vous incontournable de la musique contemporaine. On peut ainsi, pour cette édition se déroulant du 21 septembre au 8 octobre 2016, écouter Mantra de Stockhausen par Jean-Frédéric Neuburger et Jean-François Heisser ou encore assister à un concert de l’Orchestre National des Pays de la Loire. L’art lyrique est aussi bel et bien présent, comme l’atteste la création mondiale de Mririda, opéra de chambre d’Ahmed Essyad.

Le critique musical doit, face à un opéra, rendre compte de trois piliers : le chant, la direction orchestrale et la mise en scène. Dès lors que deux des trois aspects sont réunis, on peut considérer le spectacle comme réussi. Mais face à une création, le critique doit ajouter à son jugement une réflexion sur la musique qu’il entend pour la première fois. Et l’on sait combien certaines critiques « à chaud » (citons Carmen pour exemple) ont pu se méprendre sur la qualité d’une œuvre. L’opération est donc ardue.

Ahmed Essyad, avec l’aide de sa librettiste Claudine Galea, s’inspire de la figure de la poétesse berbère Mririda ayant vécu dans le Haut-Atlas marocain. « Mririda, explique le compositeur, parle de femmes libres, vivantes et résistantes, qui se lèveraient face aux fondamentalistes et revendiqueraient leur corps et la joie de vivre » (cf. programme de salle). D’un côté, l’opéra, souhaitant être une réflexion générale sur la condition féminine, refuse toute psychologie. De l’autre, le contexte de la colonisation marocaine n’est pas passé sous silence et ancre l’action dans un cadre spatio-temporel.

De l’action, il y en a justement beaucoup, si bien que les conflits présents tout au long de l’œuvre se résolvent rapidement en 1h20. L’ouverture surprend : trois femmes sortent du public et discutent, sans que l’on comprenne vraiment de quoi il ressort. La musique enchaîne, l’action prend place. L’instrumentation d’Ahmed Essyad est très intéressante et riche, on entend distinctement la vingtaine d’instrumentistes où souvent le piano domine par les accords qu’il martèle. Tantôt la musique se fait orientale, tantôt elle se fait grinçante, stridente, oppressante et rythmée, accompagnant les tensions entre les personnages. De temps à autre, des pauses permettent d’adopter des tempi plus lents et des notes plus longuement tenues.

Malheureusement, le propos est grandement desservi par une mise en scène très simpliste d’Olivier Achard. La direction d’acteurs est peu présente et les six protagonistes ont parfois bien du mal à occuper l’espace. Ce dernier est vide si ce n’est traversé de rideaux blancs que l’on range ou déplie au fur et à mesure de l’opéra. La projection d’images sur ces rideaux ne renforce pas le propos du metteur en scène, on a parfois des symboles issus de l’art arabe, parfois des représentations des ruines d’un village.

L’interprétation musicale est par contre irréprochable. Très applaudi, le chef Léo Warynski dirige l’Ensemble orchestral de l’Académie supérieure de musique – HEAR et du Conservatoire de Strasbourg en soulignant les nombreuses nuances de la partition et les nombreuses difficultés. Les Choeurs de l’OnR, placés en fosse et malgré une oeuvre exigeante, arrivent à se faire entendre distinctement. Les six chanteurs sont issus de l’Opéra Studio de l’Opéra national du Rhin. Ayant quelques difficultés au début, Francesca Sorteni campe une Mririda solide par la suite. A la voix puissante, Antoine Foulon livre un Officier autoritaire qui conduira le village marocain à sa perte. Diego Godoy, en Mercenaire, rend son personnage tout à fait anxiogène. L’Etranger de Camille Tresmontant, n’ayant malheureusement d’yeux que pour le chef d’orchestres lors de certains passages, propose de jolis passages avec la poétesse. Enfin, la Vieille femme (Coline Dutilleul) est un personnage ayant connu la vie et les hommes tandis que Louise Pingeot, à l’articulation claire, propose une Jeune fille pleine de vitalité et de courage grâce à une voix portant facilement dans les aiguës.

Visuel: ©AKaiser

A noter: Mririda sera diffusé sur France Musique le 9 novembre à 20h

“Du rêve que fut ma vie”: Camille sculpte la matière, les mots, la lumière
Les géants du Web offrent 650 Millions d’euros aux réfugiés
Julien Coquet

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration