Opéra
“Boris Godounov” à l’Opéra Bastille : la solitude du pouvoir revisitée par Ivo Van Hove

“Boris Godounov” à l’Opéra Bastille : la solitude du pouvoir revisitée par Ivo Van Hove

15 June 2018 | PAR Alexis Duval

Fasciné par les personnages de despotes, l’éclectique metteur en scène néerlandais s’approprie l’opéra de Modeste Moussorgski. A voir jusqu’au 12 juillet.

[rating=4]

C’est sans nul doute l’un des opéras les plus russes. Inspiré d’un drame d’Alexandre Pouchkine lui-même inspiré de l’histoire du chambellan d’Ivan le Terrible devenu tsar, Boris Godounov est une tragédie du pouvoir en sept tableaux. A la mise en scène, on retrouve le prolifique Néerlandais Ivo Van Hove. Connu pour utiliser le support vidéo dans un grand nombre de ses spectacles, le sexagénaire fait avec l’oeuvre de Modeste Moussorgski ses premiers pas sur la scène de l’Opéra de Paris.

Se servant de la version originale du compositeur russe (celle de 1869, qui précède la version augmentée de 1872), le metteur en scène vise une certaine idée de l’épure. Les symboles sont là (l’escalier rouge, qui relie le peuple au souverain) Ce n’est pas dans le folklore qu’il puise la russité, pas plus que dans le fantasme de la fameuse “âme russe” – bien que les extraits vidéos qui ponctuent les tableaux offrent une plongée dans les tourments du tsar. Mais si les décors sont dépouillés, c’est pour mieux concentrer l’attention sur la musique et ceux, nombreux, qui l’incarnent.

Conçu sur le modèle de l’ascension et de la chute

Le peuple, incarné par les Choeurs de l’Opéra de Paris, la Maîtrise des Hauts-de-Seine, joue en effet un rôle-clé. Il crie sa faim et espère mille choses de son nouveau souverain. Le pouvoir vivant est insupportable au peuple ; il ne sait aimer que les morts”, assène pourtant Boris, dans un moment mêlant lucidité et effroi. Car si Boris est devenu tsar, c’est en faisant assassiner l’enfant à qui revenait le trône. Un enfant dont le spectre revient hanter le monarque, qui finit par sombrer dans la folie.

Dans cette tragédie de la culpabilité, Moussorgski s’est davantage inspirée du Macbeth de William Shakespeare. Conçu sur le modèle de l’ascension et de la chute, Boris Godounov est une variation sur la solitude du pouvoir. Merveilleusement dirigé par Vladimir Jurowski, l’Orchestre de l’Opéra de Paris honore à merveille la partition. La basse ukrainienne Alexander Tsymbalyuk (en alternance avec Ildar Abdrazakov) est épatant dans le rôle-titre, tout en puissance vocale et en fragilité dramaturgique.

Boris Godounov, de Modeste Moussorgski, mise en scène d’Ivo van Hove. A l’Opéra Bastille jusqu’au 12 juillet. Plus d’informations sur le site de l’Opéra de Paris.

Visuels : Agathe Poupeney/OnP

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Alexis Duval

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