Opéra
Belle fin de saison à Montpellier avec La Nuit d’un neurasthénique et Gianni Schicchi

Belle fin de saison à Montpellier avec La Nuit d’un neurasthénique et Gianni Schicchi

13 June 2017 | PAR Elodie Martinez

L’Opéra de Montpellier donne actuellement la dernière production de sa saison qui n’est pas des moindres puisqu’il s’agit du diptyque La Nuit d’un neurasthénique/Gianni Schicchi dont le premier est joué pour la première fois en France. La réunion de ces deux opéras lors d’une même soirée est une véritable réussite grâce notamment à un humour commun et à la mise en scène de Marie-Ève Signeyrole qui avait déjà mis en scène Il tabarro la saison dernière.

[rating=4]

Nous débutons donc la soirée par La Nuit d’un neurasthénique (La notte di un nevrastenico) de Nino Rota qui, bien que composé en 1950 pour la radio, reste tout à fait actuel. L’histoire est assez simple : comme son nom l’indique, le personnage principal souffre de neurasthénie et présente des troubles du sommeil liés ici à cette maladie. Il loue donc non seulement une chambre d’hôtel pour y dormir, mais également les deux chambres attenantes afin d’être certain de ne pas être réveillé par le bruit de ses voisins. Malheureusement, l’hôtel qui affiche complet (ce qui apparaît dès l’entrée du public dans la salle par le mot “completo” projeté sur scène) accepte d’accueillir malgré cela les deux chambres vides car il y a une Foire importante et tout est complet en ville. Le responsable a beau prévenir ses clients de ne pas faire le moindre bruit à cause de leur voisin quelque peu “dérangé” qui pourrait devenir dangereux si on l’empêche de dormir, l’un fait tomber sa chaussure tandis que le couple dans l’autre chambre s’adonne à des activités d’amants. Le neurasthénique finit après plusieurs échanges par sortir un fusil et menacer tout le monde si les importuns ne disparaissent pas sur le champ. Une fois son ordre exécuté, il peut enfin s’allonger pour se reposer… quelques minutes avant que le réveil qu’il n’avait demander ne se fasse! Là, profondément dépité, il se tire une balle (du moins dans cette mise en scène).

La mise en scène de Marie-Ève Signeyrole est astucieuse et permet de passer d’une chambre à l’autre dans un espace pourtant ouvert, notamment grâce à l’apparition des numéros de chambre au-dessus du lit, à l’éclairage qui partage ce-dernier en deux, ou encore au mur en tulle qui laisse voir le couloir. Une caméra placé au niveau du miroir de la salle de bain ainsi qu’une autre au-dessus du lit permet également des déplacements naturels et la vue de détails. Le lit, qui se glisse dans le mur, donne la possibilité de changer les personnages s’y trouvant de manière fluide et deux portes suffisent ainsi pour les trois chambres dont il est question. L’atmosphère quelque peu de pénombre permet un des liens avec l’oeuvre suivante, Gianni Schicchi, qui s’ouvre sur une scène recouverte d’une épaisse brume laissant apercevoir les personnages en train de fouiller la terre, en faisant des pilleurs de tombe au sens propre ainsi qu’ils le sont au figuré. La terre qui recouvre la scène peut également être des cendres, rappelant la citation qui clôt l’oeuvre sur l’Enfer évoqué par Dante. Un trou, servant de tombe est présent, ainsi qu’un lit, chacun pouvant se faire écho, et le cadavre de Buoso Donati qui, dans le contexte de la soirée, pourrait bien être le neurasthénique de la première partie (si l’on oublie que Donati est décédé suite à une maladie et était suivi par un médecin). Le jeune couple d’amoureux du premier opéra est ici à nouveau le jeune couple d’amoureux que forment Lauretta et Rinuccio. L’humour présent dans La Nuit d’un neurasthénique l’est également dans Gianni Schicchi et le spectateur pourra noter (ou non) les mouvements des oiseaux numériques qui trouvent écho dans l’oeuvre et son déroulement.

Les interprètes portent par ailleurs une grande part de l’humour, tout particulièrement dans le second opéra. Tout d’abord, Bruno Taddia, qui tient le rôle-titre ainsi que celui d’il portiere/le portier, est tout investi par l’un et l’autre de ces personnages. Il offre ainsi un Gianni Schicchi truculent et manipulateur à souhait face à une famille Donati fort bien servie par un plateau en bonne partie italien : Romina Tomasoni en pingre Zita, Bruno Praticò, mais aussi Julie Pasturaud en Ciesca, Aimery Lefèvre en Marco, Julien Véronèse en Simone, Perrine Madoeuf en Nella ou encore Kévin Amiel en Gherardo. L’ensemble est tel que la famille paraît crédible et homogène. Bruno Praticò, Betto di signa, se tient toujours à l’écart, ne faisant pas entièrement parti de la famille, et ne cesse donc de ramasser tout ce qu’il peut afin d’amasser son propre petit bulletin. Il comptera à plusieurs reprise “un, due,…” lorsque la famille balancera le corps du défunt, faisant écho à la première partie durant laquelle il comptait pour s’endormir en tant que neurasthénique.

Enfin, Francesco Lanzillotta dirige pour sa part l’Orchestre national Montpellier Occitanie d’une main de maître, laissant aller les nuances en respectant les voix et le ton des ouvrages. Un beau moment de détente et d’amusement qui ne déçoit pas et incite à un – ou plutôt deux – moments agréables!

©Marc Ginot

Infos pratiques

La Girandole
Fond Hélène et Edouard Leclerc pour la Culture
Elodie Martinez
Après une Licence de Lettres Classiques et un Master en Lettres Modernes, Elodie découvre presque par hasard l'univers lyrique et a la chance d'intégrer en tant que figurante la production du Messie à l'Opéra de Lyon en décembre 2012. Elle débute également une thèse (qu'elle compte bien finir) sur Médée dans les arts en France aux XVIIe et XVIIIe siècles, puis, en parallèle d'un stage dans l'édition à Paris, elle découvre l'univers de la rédaction web et intègre l'équipe de Toute la culture où elle participe principalement aux pages d'opéra, de musique classique et de théâtre. Elle a aussi chroniqué un petit nombre de livres et poursuit l'aventure une fois rentrée sur Lyon. Malheureusement, son parcours professionnel la force à se restreindre et à abandonner les pages de théâtre. Aujourd'hui, elle est chargée de projets junior pour un site concurrent axé sur l'opéra, mais elle reste attachée à Toute la culture et continue d'être en charge de l'agenda classique ainsi que de contribuer, à moindre échelle, à la rédaction des chroniques d'opéra.

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration