Opéra
“Un bal masqué” à Nancy : Theatrum mundi

“Un bal masqué” à Nancy : Theatrum mundi

26 March 2018 | PAR Julien Coquet

Un triangle amoureux, une sorcière et l’assassinat du roi de Suède Gustave III: l’Opéra national de Lorraine présente Un bal masqué de Verdi du 25 mars au 5 avril.

Beaucoup connaissent l’histoire : alors que Verdi, en adaptant l’histoire vraie de l’assassinat du roi de Suède Gustave III lors d’un bal masqué en 1792, espérait voir son œuvre jouée comme telle, la censure qui sévissait à travers toute l’Europe empêcha le compositeur de voir son œuvre créée à Naples. Exaspéré par la censure, Verdi se tourna vers Rome où on ne lui demanda de changer « que » l’époque, le lieu et certains noms de personnages. À Nancy, actuellement, c’est la version originale, celle qui se passe en Suède, qui est donnée.

Dès lors, le metteur en scène Waut Koeken explique que la période la plus expressive du drame verdien est celle de sa création, autour des années 1850. Sans proposer une relecture totale de l’œuvre ou même une transposition, Waut Koeken modifie quelque peu l’histoire. Il nous a semblé assez facile, par contre, d’affirmer: « Quand à la dimension réaliste de l’œuvre, nous avons pensé qu’il était préférable, comme le voulait Verdi, de la faire imaginer plutôt que de la montrer. C’est donc à travers le filtre du théâtre que vont se nouer les fils de cette trame ». Le théâtre dans le théâtre semble être une des dernières marottes de l’opéra: on pourra penser au travail de Robert Carsen ou au Mithridate de Mozart présenté au Théâtre des Champs Elysées en 2016 (mise en scène de Clément Hervieu-Léger). Comme l’écrit Shakespeare : “Le monde entier est un théâtre. Et tous, hommes et femmes, n’en sont que les acteurs“.

Ici, les personnages évoluent sur une scène mobile et le chœur est bien souvent spectateur. L’acte II se déroulant chez Verdi dans un cimetière se passe ici dans des coulisses, les cabestans font tristement penser à des gibets. Louons aussi la dernière scène du dernier acte d’une beauté remarquable: le bal a lieu avec, en toile de fond, le plafond du théâtre de Naples, où devait être créée l’œuvre originale, et des loges sur les côtes, comme si l’on se trouvait au centre du théâtre et que l’on relevait la tête. Sans être d’une inventivité folle, la mise en scène de Waut Koeken propose une belle lecture de l’ouvrage servie par de magnifiques décors et costumes signés Luis F. Carvalho.

La direction musicale de Rani Calderon souligne les moments dramatiques, oscillant entre comique (interventions d’Oscar) et tragique (chœurs des conspirateurs, mort de Gustave). Dès l’ouverture, le chef d’orchestre instaure des tempi vifs. La puissance et la violence (ouverture de la scène 2 de l’acte I notamment) ne manqueront pas tout au long de l’œuvre.

Le Gustave III de Stefano Secco inquiète un peu au début de l’ouvrage avec des aigus légèrement poussifs mais le reste de la présentaiton vient contredire la première impression. Investi dans son personnage, le ténor parvient à insuffler une réelle émotion, notamment dans le dernier acte, grâce à une belle liaison des phrases. Son rival et néanmoins ami, le Comte Anckarström, est chanté par Giovanni Meoni : la voix ne manque pas de profondeur et les piani sont parfaitement assurés. De plus, l’acteur campe un personnage ambivalent qui se révèle réellement vengeur au troisième acte. Amelia (Rachel Stanisci) est peut-être celle qui convainc malheureusement le moins sur scène: les aigus sont difficiles. Notons toutefois des nuances bienvenues. L’Ulrica Arvidson d’Ewa Wolak fait réellement peur : les graves viennent appuyer le discours de la sorcière-enchanteresse et la prestation est mémorable pour le reste du spectacle. Oscar (Hila Baggio) est un personnage habile. L’assurance de sa voix provient de la précision du chant et du sens du rythme dans de nombreux airs rapides. Enfin, les deux intrigants, les comtes Ribbing et Horn, interprétés par Fabrizio Beggi et Emanuele Cordaro, ne sont pas en reste, démontrant, durant leurs interventions, la volonté des conspirateurs de renverser le roi.

Un bal masqué de Giuseppe Verdi le dimanche 25 mars 2018 à 15h à l’Opéra national de Lorraine. Direction musicale de Rani Calderon et mise en scène de Waut Koeken.

Visuels: Opéra national de Lorraine

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