Opéra
A Berlin, un “Castor et Pollux” violent et humain

A Berlin, un “Castor et Pollux” violent et humain

28 June 2016 | PAR Nicolas Chaplain

La Komische Oper de Berlin reprend Castor et Pollux de Rameau, la production créée par Barrie Kosky en 2014.  Le metteur en scène et directeur de l’opéra explore avec audace et humanité la tragédie des jumeaux mythiques.

Barrie Kosky fait se dérouler l’action dans une grande boîte en bois clair et brut. Des panneaux montent et descendent des cintres et permettent ainsi l’apparition du chœur, des protagonistes et, plus tard, d’une montagne de terre noire.

Il conjugue les enjeux de l’œuvre au présent. Les costumes sont sobres et contemporains et font des héros mythologiques des hommes quotidiens auxquels il est possible de s’identifier avec empathie. Il convoque cependant un univers féérique inhérent à l’opéra baroque. Des monstres de l’enfer portent des masques étranges, carnavalesques et cauchemardesques. Mercure a des ailes dans le dos et le prêtre de Jupiter a le teint pâle et de très longs doigts. Deux créatures du plaisir dont les visages sont cachés derrière leurs longs cheveux caressent et draguent Pollux avec un érotisme débridé. Des mains sortent du sol, de la terre, attrapent et pelotent Phébé et donnent un ton dadaïste à l’ensemble du tableau.

L’orchestre de la Komische Oper, dirigé par Christopher Moulds est net et vif. Le chef obtient des musiciens des sons rutilants et sensuels, des nuances poignantes. Nicole Chevalier chante superbement Thélaïre avec élégance et intensité dramatique.  Phébé est interprétée par Gaëlle Arquez dont la beauté du timbre et la férocité traduisent bien la jalousie et la passion qui la rongent. Günter Papendell est Pollux. Sa voix profonde et moelleuse, sa forte présence et son investissement scénique étonnent. Le Castor d’Allan Clayton est très humain. Son « Séjour d’une éternelle paix » est déchirant.

Tous les chanteurs se distinguent par leur jeu très physique. Ils se jettent au sol ou contre les murs, se battent et se débattent. Thélaïre court jusqu’à l’épuisement de jardin à cour à la recherche d’un essoufflement et d’un cri non simulé. Le combat qui oppose Pollux à Lyncée est ici une bagarre à mains nues, une lutte musclée, brutale et sanglante. Le désir et la passion se manifestent par de vraies étreintes, des regards tendres et des élans fougueux. Les funérailles de Castor sont déchirantes. Thélaïre, couchée sur le corps gisant et ensanglanté de Castor, chante « Tristes apprêts » en serrant avec force l’homme qu’elle aime et en creusant de ses mains une tombe dans la terre.

Beaucoup de sensibilité et de beauté émanent de ce Castor et Pollux. Promus à l’immortalité, Castor et Pollux trouvent une place au firmament. Les deux frères sortent lentement après avoir quitté leurs chaussures qu’une pluie de paillettes argentées recouvre. Thélaïre, seule car mortelle se glisse alors dans les chaussures de Castor tandis que le corps mort de Phébé a été déposé dans le silence.

A la Komische Oper de Berlin (Allemagne) le 22 juin 2016 © Iko Freese

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