Spectacles
Lazare dans les eaux remuantes d’une rivière pas si sombre

Lazare dans les eaux remuantes d’une rivière pas si sombre

04 April 2017 | PAR Christophe Candoni

Dans la joie et en musique, Lazare fait un sacré pied de nez à la « France bleu marine » avec Sombre Rivière, sa dernière création généreusement foutraque et festive présentée par la MC93 de Bobigny au Nouveau Théâtre de Montreuil.

Artiste associé au Théâtre National de Strasbourg, Lazare mène une troupe épatante. Toujours fidèle, Anne Baudoux joue sa mère. Julien Villa, Mourad Musset et Olivier Leite aux présences très physiques et concrètes, incarnent en trio le poète-prophète. Autour d’eux, des artistes aux horizons multiples, acteurs et musiciens hors-pair tels que Julie Héga, et la merveilleuse Ludmilla Dabo entre autres, sont les porte-voix d’une poésie logorrhéique caractéristique du style débordant de son auteur. À travers quantité d’histoires, Lazare catalyse et exorcise les maux d’une France rance qui digère difficilement son histoire passée et qui stigmatise les Arabes et les Français d’origine maghrébine. Passé-je ne sais où, qui revient racontait les massacres de Sétif et Guelma en 1945, la crise des banlieues était au cœur de son récent Au pied du mur sans porte, la guerre d’Algérie au centre de Rabah Robert – touche ailleurs que là où tu es né. Lazare s’empare de sujet d’actualité brûlants pour questionner le temps présent. Il parle aussi de lui, de l’ambivalence de son rapport au monde tel qu’il est surtout après les attentats de novembre 2015.

Pas de place pour la déprime, voici le temps du combat. Il faut en découdre avec la morosité. Cela passe par un souffle, un tapage, de la fièvre, de l’ivresse, communiqués avec une belle énergie vitale. Si le titre du spectacle est celui d’un blues, sa forme respire la gaieté. Elle est celle d’un théâtre hybride qui s’inspire du cabaret, de la foire, du carnaval. A la fois dramatique et bouffon, Sombre rivière multiplie des propositions aux dimensions shakespeariennes. Tout un univers débridé est convoqué sur le plateau. Dans ce tourbillon effervescent, se distingue une volonté quasi subversive d’unir, de réunir, de construire et de partager plutôt que d’exclure et diviser. « Je ne veux pas être prisonnier de l’angoisse ambiante. Je ne veux que proposer la rencontre du possible et de l’impossible loin de la tristesse, de l’effroi » dit-il. Pari gagné et manifestement nécessaire.

Photo © Jean-Louis Fernandez

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