Humour
Monsieur Fraize: un OVNI qui frise le génie

Monsieur Fraize: un OVNI qui frise le génie

25 November 2017 | PAR Eloise Bouchet

Virtuose de l’humour absurde, Monsieur Fraize a été révélé au grand public notamment grâce à sa participation, en 2010, à l’émission « On n’demande qu’à en rire », sur France 2. Depuis, il a joué dans le film d’Eric Judor, Problemos, où il tient le rôle de Patrick, mais aussi dans Le Redoutable où il donne la réplique à Louis Garrel lors d’une scène mémorable. Son One man show, sous-tendu par un texte mince, voire inexistant, repose sur rien, ou presque…

Génie pour les uns, arnaqueur pour les autres, humoriste clivant, anticonformiste et lunaire qui, par bien des côtés, rappelle Andy Kaufman, Monsieur Fraize est de ceux qu’on adore ou qu’on déteste.

Son style est hors norme, détonnant avec les humoristes et stand-uppers actuels. D’abord, un look vestimentaire suranné : affublé d’un polo rouge rentré dans un jean remonté très haut, il ressemble à un petit garçon timide et maladroit -ou à un playmobil engoncé. Son babillage, sa difficulté à trouver les mots justes et sa susceptibilité ne font que renforcer cette impression ressentie dès son entrée en scène. Ensuite, une maladresse et une pauvreté du langage qui frôlent l’autisme. Pusillanime et asocial, Monsieur Fraize est un enfant de cinq ans dans un corps d’adulte, et a bien du mal à composer avec les codes communs: le décalage surprend, et fait rire. Chez lui, pas de discours politique ou sociétal, pas de messages au vitriol, mais un comique de répétition poussé à l’extrême, et des silences qui s’éternisent… L’humoriste dit en effet jouer avec les nerfs du public : « Dans un monde où il faut une punchline toutes les dix secondes, je suis ravi de faire un silence de trois minutes », écrit-il. Jouant l’artiste dilettante et désabusé, il préfère s’attarder sur les promotions d’un catalogue, ou se demander comment a été fabriquée la porte d’entrée du théâtre. En somme, il ne nous parle de presque rien, mais crée des situations saugrenues ou scabreuses. Tout son humour tient à la construction d’un personnage décalé, aux obsessions délirantes et aux mimiques clownesques, quelque part entre Charlie Chaplin et le Hulot de Tati.

Ce personnage divisait déjà dans « ONDAR » et une partie de l’équipe de Laurent Ruquier lui avait même reproché son manque de travail ainsi que l’indigence de ses textes. Cela revient à reprocher à Laurent Ruquier de ne pas faire des émissions bienveillantes : ce n’est pas son fond de commerce.

Evidemment, l’humour de « Fraize » bouscule l’ordre établi. Il ne tient pas de grand discours sur le monde mais se prend lui-même comme objet et sujet de son spectacle. La construction de son personnage est précis. Sa gestuelle, millimétrée: un mouvement d’index, un haussement de sourcils, d’épaules, de coudes, suffisent à faire littéralement pleurer la salle de rire. Une salle où se côtoient d’ailleurs des publics très différents. Car le rire ici est mécanique, dépassant les frontières culturelles ou générationnelles.

Dans une mise en scène signée Papy, le One Man de Monsieur Fraize est une bombe : il brise les codes du stand-up, va à contre-courant de tout ce qu’on peut voir actuellement.

A l’affiche du prochain film de Quentin Dupieux, avec notamment Benoit Poelvoorde, Monsieur Fraize nous réserve encore des surprises. Et on s’en réjouit à l’avance.

Jusqu’au 28 décembre 2017

Théâtre Les Feux de la Rampe

Les jeudis, à 20h

Infos pratiques

Un petit tour des galeries de Chelsea [New-York]
Thomas VDB dans “Bon chien chien”
Eloise Bouchet

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