Humour
Doully, essai de one-woman show addictif plutôt réussi

Doully, essai de one-woman show addictif plutôt réussi

21 October 2017 | PAR Mathieu Dochtermann

L’addiction c’est pour moi (vu en représentation exceptionnelle au Point Virgule), c’est le spectacle-confession de Doully, pétaradante jeune femme, accro au thé, qui a décidé de faire profiter aux spectateurs de son recul au 4ème degré sur son ancienne vie, où ses addictions ne se satisfaisaient pas avec une simple infusion de feuilles séchées. Jubilatoire, décomplexé, souvent férocement drôle, ce premier spectacle dopé à l’auto-dérision lorgne clairement du côté des grands, et il le fait plutôt bien. Une chouette découverte.

[rating=4]

“Dans la catégorie one-woman show, je voudrais quelque chose de neuf, de clairement pas pour les enfants, genre un peu rock’n’roll, avec du second degré et de l’humour noir, tu vois, genre Dr House mais avec plus de paillettes, un truc sympa avec une meuf sympa, qui fasse bien rire, mais qu’on ait aussi l’impression d’en avoir appris un peu sur la vie aussi, tu vois?”

Présenté comme cela, le cahier des charges semble improbable sinon impossible. Sauf à quelqu’un qui a, justement, eu une vie sacrément rock’n’roll, qui a pris beaucoup de recul, qui est capable d’en parler avec humour, en étant parfaitement à l’aise sur scène.

Cet oiseau rare s’appelle Doully, et, avec son large sourire et ses grands yeux bleus, on serait tenté de croire qu’elle joue un rôle de composition, ne seraient ses nombreux tatouages et sa voix de fumeuse de gitanes impénitente. Parce que Doully a tutoyé la mort par trois fois et en est revenue, parce que Doully est allée très loin dans les excès et a raccroché, parce que Doully représentait à elle seule 1.3% du chiffre d’affaires mondial de Pernod Ricard mais qu’elle ne boit plus que du thé, elle en a suffisamment sous le coude pour raconter de sacrées histoires.

Et, de fait, qu’elle parle de ses anciennes addictions, du calvaire d’être la seule personne sobre au milieu d’une soirée où tout le monde est torché, de ses fringales insatiables, de ses insomnies qui la livrent aux tentations doucereuses du télé achat, Doully raconte sa vie avec beaucoup d’humour. Une auto-dérision salutaire qui ne l’empêche pas de croquer – avec une tendre férocité – le portrait d’une génération de trentenaires parfois déraisonnablement fêtards. Cela parle peu de cul, modérément de tofu, beaucoup de drogue, c’est bien rythmé, et le public est clairement tout-à-fait emballé. Humour noir mais pas que, un peu d’humour visuel à l’occasion d’une ou deux caricatures d’elle-même dans ses pires états, le tout enrobé dans une belle présence scénique, où l’on voit que Doully est très à son aise sur les planches.

Il est toutefois à regretter que la fin du spectacle fasse des incursions en-dehors de cet univers biographique, qui lui permet de se moquer d’elle-même, et, au travers d’elle, du monde dans lequel évoluent la plupart des gens de sa génération. Viennent alors des sketchs, comme celui de l’homélie, qui sont moins touchants puisque clairement composés, et qui fonctionnent moins bien même s’ils font encore rire. Il est dommage que cette générosité de se mettre soi-même en jeu disparaisse ainsi, cela diminue ce qui fait la singularité de ce spectacle. D’ailleurs, en sent alors Doully moins convaincue de ce qu’elle propose, on sent l’énergie baisser, et elle a recours à des mimiques et des gimmicks plus convenus… c’est dommage!

Sur l’ensemble, c’est tout de même très distrayant, avec de très beaux moments de rire, et des confessions parfois poignantes, comme lorsque Doully raconte ses overdoses. Il y a du talent, et un plaisir énorme et communicatif à être sur scène. Ne serait-ce que pour entendre cette voix qu’on dirait héritée directement de Jeanne Moreau, il faut écouter Doully une fois! Peut-être si Europe 1 a la bonne idée de la reprogrammer?

Les prochaines dates ne sont pas encore annoncées, mais à garder dans un coin de sa tête!

Texte et interprétation: Doully
Mise en scène: Nicolas Vallée
Visuels: (c) Betty Klik

Mon chocolat E…Moi !
Festival d’automne- « Cédric Andrieux » de Jérôme Bel à l’Espace Cardin
Avatar photo
Mathieu Dochtermann
Passionné de spectacle vivant, sous toutes ses formes, des théâtres de marionnettes en particulier, du cirque et des arts de la rue également, et du théâtre de comédiens encore, malgré tout. Pratique le clown, un peu, le conte, encore plus, le théâtre, toujours, le rire, souvent. Critère central d'un bon spectacle: celui qui émeut, qui touche la chose sensible au fond de la poitrine. Le reste, c'est du bavardage. Facebook: https://www.facebook.com/matdochtermann

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration