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[Festival] La guerre et la paix au cœur de Reims Scènes d’Europe

[Festival] La guerre et la paix au cœur de Reims Scènes d’Europe

23 February 2015 | PAR Christophe Candoni

[rating=null]Du 6 au 21 février se tenait à Reims la 6ème édition d’un festival international et pluridisciplinaire où plusieurs spectacles phares abordaient la Première Guerre mondiale. Évocations poétiques de l’événement largement commémoré à l’occasion de son centenaire : Front de Luk Perceval fut en ouverture un poignant oratorio crépusculaire à la mémoire des poilus et 1914 un cabaret formidablement outré et grimaçant de Bob Wilson pour clôturer en beauté les manifestations. 

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Inspiré par deux romans, A l’Ouest, rien de nouveau d’Erich Maria Remarque et Le Feu de Henri Barbusse ainsi que divers documents d’archives, Luk Perceval propose dans Front une forme extrêmement belle et forte de redonner corps et voix aux combattants de la guerre 14-18. Il opte pour une forme concertante, une polyphonie linguistique et musicale dénuée de toute velléité spectaculaire mais bien plutôt caractéristique d’un geste qui est le sien à la simplicité radicale et magnifique. Soutenus par une puissante création aux sonorités sourdes et métalliques, des acteurs blafards, postés à la rampe derrière des pupitres et dans une quasi-immobilité, se livrent écorchés comme suspendus entre la vie et la mort et parviennent à restituer avec une éloquence incandescente les conditions de vie des soldats dans les tranchées de part et d’autre du front alors que l’assaut est imminent, la mutilation des corps, les atrocités de la guerre et la mort qui envahit et dévaste tout.

A l’inverse de ce recueillement dense, l’immense Robert Wilson parcourt la guerre dans un spectacle qu’on ne peut plus insolemment joyeux et décapant. Créé au théâtre national de Prague et interprété par des acteurs et musiciens tchèques, 1914 est un cabaret festif et burlesque qui emprunte autant au music-hall qu’au film muet sans jamais dépareiller de la grammaire habituelle et magique de l’artiste américain. Les acteurs adoptent un jeu clownesque, complètement déréalisé, pour évoquer la guerre à travers un enchaînement étourdissant de tableaux qui entraînent de la caserne au bordel à la tonalité proche de l’absurde.

La Première Guerre mondiale fut aussi l’objet de plusieurs performances plus intimistes et personnelles comme The Rise of glory que Mikaël Serre a monté à partir des lettres écrites par son grand-oncle, pilote de guerre, The Song of a soldier on watch (www3 Lili Marlene) une performance sensible de Branco Miliskovic sur l’attente et la souffrance des familles pendant et après le champ de bataille ou la très cacophonique et assourdissante Rhapsodie démente de François Verret.

Le festival rémois a également traversé d’autres conflits du monde en emmenant ses spectateurs à Beyrouth avec Sandra Iché (Wagons libres), à Tel-Aviv avec Maya Arad (God waits at the station), ou en Ex-Yougoslavie avec des acteurs allemands d’origine serbe, bosnienne et croate. Ils sont nés pendant la guerre, sont filles et fils de bourreaux ou de victimes. A l’invitation de Yael Ronen, une jeune dramaturge et metteure en scène israélienne, ils sont partis sur les routes de la Bosnie, à la rencontre de leur passé, de leur histoire. De leur road trip, est né Common ground créé au Maxim Gorki Theater de Berlin, un spectacle génial, foutraque, généreux, questionnant, si drôle et bouleversant à la fois, entre documentaire et performance. Après la guerre, la paix advient, fragile et essentielle. Les divisions passées finalement impossibles à comprendre conduisent ces jeunes voyageurs autour d’une belle utopie de reconstruction et de fraternité.

Le théâtre fait l’union et c’est ce qu’a montré avec force Sanja Mitrovic dans une des propositions les plus originales du festival : Do you still love me. L’artiste d’origine serbe qui vit et travaille entre la France, la Belgique et les Pays-Bas a fait se rencontrer sur la scène de la Comédie de Reims sa troupe d’acteurs et 4 supporters de football. Chacun raconte ses histoires personnelles. Ensemble, ils retracent leur parcours de vie, tantôt drôle ou plus douloureux, conduits par la passion des planches ou du ballon rond mais surtout un véritable désir d’échanges et d’altérité.

Qu’espérer d’autre que ce souffle d’unité souhaitée suscité par le spectacle vivant. Reims Scènes d’Europe a invité ses publics sur plus de trente propositions artistiques dans sept lieux culturels de la ville à repanser les plaies des conflits passés pour mieux construire aujourd’hui un possible être ensemble.

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Christophe Candoni
Christophe est né le 10 mai 1986. Lors de ses études de lettres modernes pendant cinq ans à l’Université d’Amiens, il a validé deux mémoires sur le théâtre de Bernard-Marie Koltès et de Paul Claudel. Actuellement, Christophe Candoni s'apprête à présenter un nouveau master dans les études théâtrales à la Sorbonne Nouvelle (Paris III). Spectateur enthousiaste, curieux et critique, il s’intéresse particulièrement à la mise en scène contemporaine européenne (Warlikowski, Ostermeier…), au théâtre classique et contemporain, au jeu de l’acteur. Il a fait de la musique (pratique le violon) et du théâtre amateur. Ses goûts le portent vers la littérature, l’opéra, et l’Italie.

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