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[Festival d’Avignon] Réjouissante Fugue de Samuel Achache

[Festival d’Avignon] Réjouissante Fugue de Samuel Achache

17 July 2015 | PAR Christophe Candoni

Un vent de fraîcheur, de jeunesse, de drôlerie, de tendresse, a enfin soufflé hier soir sur le Festival d’Avignon lors de la première de Fugue, le brillant spectacle d’une bande d’acteurs-musiciens épatants du collectif La Vie Brève conduit par Samuel Achache.

Acteur chez Sylvain Creuzevault et Vincent Macaigne, Samuel Achache présente au Cloître des Célestins sa première mise en scène en solo après avoir cosigné avec Jeanne Candel le formidable Crocodile trompeur, une revisite jubilatoire du Didon et Enée de Purcell. La musique est toujours très présente dans ce nouveau spectacle à commencer par le choix de son titre polysémique qui donnera aux plus mélomanes une certaine idée de la construction originale de la pièce. Pour les autres, Fugue annoncera l’échapée belle d’un groupe d’explorateurs fantasques et lunaires dans le grand froid du Pôle Sud joués par Vladislav Galard, Florent Hubert, Léo Antonin Lutinier, Thibault Perriard Anne-Lise Heimburger et Samuel Achache, des comédiens fidèles et soudés. Comme des instruments parfaitement accordés, ils interprètent une partition hilarante et planante bourrée d’invention et de fantaisie.

A l’extrémité du monde, une baraque en bois toute exiguë plantée sur une vaste lande enneigée. Tout est blanc. Vêtus d’écharpes, bonnets, gants, bottes et gros anoraks de circonstances, les scientifiques d’une base de recherche internationale partent à l’exploration d’un lac invisible car englouti sous la glace. Edouard, c’est le meneur, philosophe dément à ses heures, Noël, c’est le nigaud sympa et souffre douleur du groupe. Emilia, c’est l’intellectuelle solitaire et endeuillée, absolument désopilante quand elle délire en allemand.

Tous brodent avec génie sur des situations singulièrement loufoques et bancales inventées à partir d’improvisations qui usent d’un humour irrésistiblement blagueur et desespérant qui vire un peu vers l’absurde. C’est aussi intelligent car riche en sens et en ouverture sur l’homme et le monde, la vie et la mort. Il se passe tout et rien. Le temps s’écoule avec une douce mélancolie. On vit ensemble. On parle, on boit. On s’évite, se perd et se retrouve. On chante aussi beaucoup. « Quand les mots manquent ou qu’ils ne suffisent plus » écrit Samuel Achache. Quelle fort belle intention.

Il n’y a pas vraiment d’histoire, il y a des histoires, des parcours, des rencontres. La pièce parle d’idéal et d’inatteignable, de rapports humains et de sentiments contrariés, refoulés, des chances à saisir, des occasions manquées. Fugue c’est une fuite le plus loin possible, la promesse d’un nouveau départ mais sans pouvoir vraiment quitter ce que l’on avait à cœur d’abandonner. Fugue, c’est “se sentir exister”. C’est à la fois aléatoire, lacunaire, fragmenté à l’image de notre époque et de nos comportements sociaux et intimes forcément solitaires et dispersés. Décalé, décousu, drôle et triste, dans la veine des spectacles de Marthaler, le propos est finalement plus profond et touchant qu’il n’y parait. La musique y est essentielle parce qu’elle apaise, console, renforce.

Ce qui plait dans ce travail créé à la Comédie de Valence et repris à Avignon avant une tournée qui passera par les Bouffes du Nord à Paris, c’est sa vitalité, sa liberté. C’est l’urgence, la nécessité de pratiquer en collectif un théâtre vacillant mais bien vivant qui fait beaucoup de bien.

Visuel : Fugue © Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon

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