Danse
[Uméa 2014] Les « Waves » sensuelles de Héla Fattoumi, Eric Lamoureux et Peter Von Poehl

[Uméa 2014] Les « Waves » sensuelles de Héla Fattoumi, Eric Lamoureux et Peter Von Poehl

23 November 2014 | PAR Amelie Blaustein Niddam

C’est ce qui s’appelle un événement. Le duo de chorégraphes, directeurs du Centre Chorégraphique National de Caen, Héla Fattoumi et Eric Lamoureux ont été invités, dans le cadre de Uméa ( prononcez Uméo), capitale européenne de la Culture à proposer un spectacle, sur commande du Norrlandsopera, le « No ! »

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Uméa, (Suède) partage avec Riga le titre de Capitale Européenne de la Culture. C’est donc une belle collaboration que les chorégraphes ont eu à mener en invitant, pour répondre yes au « No ! » le roi de la folk envoûtante, Peter Von Poehl, qui vient de sortir le remarqué Big Issues Printed Small, et qui avant cela barbotait dans l’écurie Burgalat. Autre challenge, devoir composer avec un orchestre symphonique de cinquante musiciens, dirigé par Benjamin Levy.
Il y a d’abord une sensation d’étouffement à lire cette course au grandiose. Il y a ensuite un défi : se libérer du poids pour aller chercher un beau qui ne serait ni factice, ni facile. Pour ce faire Fattoumi et Lamoureux ont choisi de se libérer de leurs questionnements, passionnants et très présents dans Masculines ou Manta, deux spectacles qui interrogeaient la place des femmes. Ici, nous sommes ailleurs.

Waves, est donc comme son nom l’indique une vague. Si en anglais le pluriel est présent, ce spectacle se conjugue pourtant au singulier car il s’agit d’un corps, d’un groupe à l’image d’un ban de poissons dans des eaux paradisiaques.
Sarath Amarasingam, Matthieu Coulon, Jim Couturier, Bastien Lefèvre, Johanna Mandonnet, Clémentine Maubon, Nele Suisalu et Francesca Ziviani, arriveront à nous doucement, le temps de laisser à Peter Von Poel le temps d’installer sa chanson, une seule chanson, mais qui dure un peu plus d’un heure. La voix est là, limpide en même temps qu’éraillée, grattant les aigus et se faisant bientôt accompagné par le claviériste Martin Hederos. Le son est rock and folk dans une nappe quasi psyché. Tranquillement, on commence à entrevoir un décor fait d’aléas et de contraintes.
Dans Waves, il n’a pas de tableaux, il y a un fil qui se tient du début à la fin sans s’étirer. Les ondulations des huit danseurs rassemblés sont légions dans un geste qui est d’abord charnel, compact. Doucement; les individualités vont se révéler sans jamais perdre de vu l’esprit de groupe. Les regards sont là, bienveillants quand un danseur se lance dans l’un des nombreux solos qui marquent le tempo du spectacle en miroir avec la batterie de Guillaume Lantonnet. La musique du live band, si prés des interprètes opère comme un danseur supplémentaire.
Nous plongeons alors les deux pieds joints dans cette vague très haute dont le sac et le ressac sont des crescendos soulignés et seulement soulignés par l’orchestre.
La danse alterne sans rupture, temps minimaux, danse chorale, et radicalité. Les solos permettent des desaxages et des postures avec notamment de beaux équilibres sur épaules et des disparitions fluides. On pense à Christian Rizzo bien sûr mais avec une énergie solaire très Hofesh Shechter. Nous sommes face à une danse référencée, complexe dans le geste et limpide et précise dans sa lisibilité. Certains portés sont de purs chefs d’œuvres, notamment celui qui transforme Clémentine Maubon en soleil venant calmer la tempête.
Faire corps, faire groupe. La démarche est familiale et amicale ici et elle glissera vers une transe parfaite dans une fusion totale entre la guitare de Von Poehl et les huit danseurs.

Le spectacle passe en un éclair, comme si la chanson avait été formatée pour un radio édit. Le duo frenchie réalise ici un tour de force en évitant soigneusement les pièges tendus par une telle proposition. Il était osé de tenter de conserver l’intime dans un chœur si grand. «  Il s’agit de l’expérience d’être seul, en tant que nourrisson et petit enfant, en présence de la mère » » écrivait Winnicott, ici, il s’agit de faire l’expérience du groupe en gardant sa singularité. Dans une exigence technique qui impose des équilibres osés, la beauté est là, pure.

Waves (images de répétitions/rehearsals) from CCN de Caen/Basse-Normandie on Vimeo.

 

Créé à Uméa, Waves aura sa première française le 27 novembre, à 19H30 à la  Comédie de Caen – CDN de Normandie dans le cadre des Boréales 

Visuel : Waves © Laurent Philippe, Eric Lamoureux

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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