Danse
Mordre la poussière – Grand Magasin au Théâtre de la Cité internationale

Mordre la poussière – Grand Magasin au Théâtre de la Cité internationale

20 February 2013 | PAR Smaranda Olcese

Dans le Catalogue de Grand Magasin qu’accueille le Théâtre de la Cité Internationale pendant ce mois de février, Mordre la poussière est l’une des pièces de résistance. Fine, drôle, pleine de surprises cultivées de manière systématique et avec soin, cette proposition distille des questions essentielles liées aux désirs, aux rêves et aux fictions personnelles que mobilise le plateau.

 

Création 2007, Mordre la poussière démarre à la première personne du singulier et se conjugue immanquablement au présent. C’est la personne du 1er rang à gauche qui parle, sa voix résonne dans le micro, elle pourrait être juste devant vous. Elle partage avec nous ses rêves qui n’ont rien d’anodin : assister à son propre spectacle, par exemple. La scène résolument déserte s’en fait écho et pourtant cela évoque une sensation des plus familières, titille la frontière mouvante, renégociée au jour le jour dans les situations les plus ordinaires du quotidien, entre l’interprète actif et le spectateur passif. Interroger le pourquoi de l’apparaître, retourner à la racine du désir, voici une belle entrée en matière. Les appels de la régie se font de plus en plus pressants, Pascale Murtin monte sur scène. D’autres rêves sont déclinés qui mettent en perspective avec légèreté et finesse la volonté parfois complètement opaque du corps ou encore des relations entre des actions qui échappent aux lois de la causalité : ça marche parfois, ça rate souvent !

Grand Magasin réussit de manière magistrale à orchestrer un jeu de perspectives changeantes qui menace de semer le trouble. Le rythme s’accélère, une multitude de figurants investissent la scène, descendent des gradins ou sortent des coulisses, chacun est porteur d’un point de vue, chacun est le personnage principal de son histoire. Présence, absence, invisibilité, voire transparence, sont déclinées à travers des jeux rapides qui n’empiètent en rien sur le fait qu’il s’agisse d’amateurs. Bénévoles, adultes et scolaires, s’essaient aux joies et pièges du plateau, ils apportent leurs doutes, leur fragilité ou leur fausse assurance, catcheurs néophytes d’un match qui, sous une apparence ludique, glisse vers le sérieux.

Il y va d’une certaine violence contenue dans le titre de la pièce, Mordre la poussière, comme pour rappeler qu’au delà des constructions intellectuelles brillantes, quelque peu détachées, impondérables, la scène requiert un engagement total. Les corps sont jetés dans la bataille. Cette prise de conscience, tout comme la procession finale qui voit défiler des objets des plus incongrus qui pourraient ne jamais apparaître dans une pièce, donnent le vertige. Complètement loufoque, un brin solennelle, d’une certaine manière triomphante que cette parade : leurs rêves sur un plateau s’acoquinent dangereusement, fertilement à la réalité.

 

Photographies © Mathilde Delahaye

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Smaranda Olcese

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