Danse
Le percutant Ottof de Bouchra Ouizguen au festival Artdanthé

Le percutant Ottof de Bouchra Ouizguen au festival Artdanthé

31 March 2017 | PAR Laetitia Zicavo

Dans le cadre de l’avant dernier jour du festival Artdanthé, le Théâtre de Vanves présentait le spectacle chorégraphié par Bouchra Ouizgen, Ottof. L’artiste marocaine nous a offert hier un peu de son talent et de sa vision franche de la vie, entre émotion et rire. 

Ottof met en scène cinq danseuses voluptueuses : Kabboura Aït Ben Hmad, Fatéma El Hanna, Halima Sahmoud, Fatna Ibn El Khatyb et Bouchra Ouizgen. Cette dernière décrit son travail comme étant “une fourmilière, où chacune de nous mène un long processus d’ouvrière dans un combat qui parfois nous dépasse“. Ottof, qui signifie “fourmis” en berbère, rend hommage à ces femmes, travailleuses acharnées, si indispensables à la structure familiale mais pourtant invisibles et tenues pour acquises dans le monde qui les entoure. C’est une oeuvre entière et sincère de la chorégraphe Bouchra Ouizguen qui expose des femmes tiraillées entre les attentes d’une société étouffante et leurs propres désirs. La danse orientale est ici dénaturée, revisitée d’abord par le carcan social qui les enferme dans une pudeur obligée, ensuite par la liberté enfin assumée traduite en exubérance. Ce spectacle, à portée politique, est percutant. On en ressort pas tout à fait pareil.

Un scénario puissant

Une des interprètes, couverte des pieds à la tête, arrive à petits pas sur scène. Une fois au centre, elle reste placée dos aux spectateurs dans un immobilisme qui semble durer une éternité et rend l’atmosphère pesante. Commence alors un drôle de manège : sur une musique de film à suspense, la danseuse évolue extrêmement lentement dans des tourbillons au ralenti. Ses yeux sont écarquillés, son visage expressif est marqué d’un mélange de colère et d’appréhension. Arrive une seconde danseuse, puis une troisième et une quatrième, toutes se plaçant de part et d’autre de la scène et s’engageant dans un même ballet à vitesse réduite. Un jeu d’équilibre qui se termine soudain par une position fixe : leurs cris résonnent alors dans une salle silencieuse. Entre deux bouffées d’air, les danseuses s’époumonent. La cinquième interprète arrive soudain sur scène et engage l’impulsion d’un nouveau cycle de mouvement. Elles commencent alors à courir autour de la scène. Fatéma El Hanna s’arrête alors devant le premier rang et déclame un texte rendant hommage à “l’hob”, son amour. Cet éloge à un amour adoré va déclencher une passion et une joie qui feront s’effeuiller les danseuses. C’est avec une joie débordante que ces femmes se débarrassent de leurs multiples couches de vêtements. On entend alors une musique allègre, en anglais. Certaines mettent des casquettes, toutes se mettent à danser de façon joyeuse et décomplexée à la fois. Pareil à de jeunes adolescentes qui découvrent leurs corps avec innocence et curiosité, les cinq femmes ondulent leurs formes généreuses avec entrain. Une telle joie de vivre en est même drôle tant contagieuse. Dans une dernière séquence, Halima Sahmoud nous parle de chance, “zhar” ou plutôt de son absence de chance grâce à un texte saisissant. Les cinq interprètes percutent le sol de leurs pieds. L’une commence à chanter, allume une bougie. Les lumières s’éteignent. Une salle grondant d’applaudissements fait revenir à deux reprises les artistes pour saluer leur public conquis. Un succès. 

Visuels : © Hasnae El Ouarga

© 24images _ 2015

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Laetitia Zicavo

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