Danse
La « Rain » lumineuse d’Anne Teresa De Keersmaeker reçue en triomphe à l’Opéra de Paris

La « Rain » lumineuse d’Anne Teresa De Keersmaeker reçue en triomphe à l’Opéra de Paris

21 October 2014 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Qu’il est rafraîchissant parfois de regarder en arrière. Depuis plusieurs années, la chorégraphe flamande Anne Teresa de Keersmaeker interroge la musique au point de la faire danser parfois seule. Il est fascinant ici, de voir une oeuvre telle que Rain (2001), qui a fait son entrée au répertoire de l’Opéra en 2011, nous amener dans les racines de son travail géométrique.

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En 1976, Steve Reich, maître de la musique repetitive aux côtés de Philip Glass compose Music for Eighteen Musicians, une oeuvre dantesque où tous les instruments ou presque sont acoustiques et qui d’abord délivre les pulsations des pianos et percussions auxquelles vont s’ajouter xylophones, cordes et peut-être surtout, voix métalliques qui amènent une vague telle une nappe.

Cette vague, elle est sur scène. Tout est spirale, et s’il n’y avait qu’un mot pour décrire celle que les fans nomment avec douceur Anne Teresa , ce serait celui-là :  Spirale.

Le décor est un rond fait de fils suspendus à une structure métallique. Au sol, des lignes géométriques vont être le chemin ou le refuge que les danseurs viendront occuper.  Ils sont dix, en majorité des filles. La spirale, c’est celle qu’ils commencent par dénouer, jusqu’à la renouer, dans une variation de lumière qui nous fait passer d’un doux soleil à un ardent désir qui sera éteint par le silence.  Il y a ici des phrases, qui seront répétées et inversées dans un rythme trépidant. Ici nous ne sommes par dans Drumming, qui est la pièce miroir de Rain. Ici, les danseurs ont droit au repos, la question n’est pas la continuité, c’est la filiation. Il y a du lien entre les dix danseurs, des mains qui se touchent, des corps qui ondulent, des lignes qui se désaxent, des groupes qui ne jouent jamais en nombre pair.

Valentine Colasante, Laura Bachman, Amélie Lamoureux, Christelle Granier, Léonore Baulac, Sae Eun Park, Muriel Zusperreguy, Vincent Chaillet, Daniel Stokes et Nicolas Paul sont fluides et en même temps saisis par un tempo qui, on le sait, est augmenté par des compteurs qui sont pour eux visibles.

Rain est une pièce lumineuse qui dégage une énergie folle, cela est renforcé par la magnificence des costumes de Dries Van Notten qui passent du chair au fuchsia avant de toucher l’or, dans des lignes souples qui appellent un déjeuner d’été. Anne Teresa travaille en lien serré avec les mathématiques et à chaque spectacle elle semble répondre parfaitement à l’équation qu’elle s’est posée dans une rigueur qui ne lâche jamais de vue la beauté.

Ici, les sauts, les courses, les portés, tout concorde à une illusion d’accords quasi classiques. Ce serait se tromper. Derrière les visages ouverts, il ne restera bientôt que des traces qui sont comme des formules dont on ne peut pas se libérer.  Le tout forme un spectacle solaire qui empêchera longtemps la pluie de tomber.

 

Photo © Agathe Poupeney OnP

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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