Danse
La performativité mécanique du genre

La performativité mécanique du genre

21 February 2017 | PAR Marianne Fougere

Dans sa nouvelle pièce, Massacre: Variations on a theme, la chorégraphe Alexandra Bachzetsis porte à son paroxysme le travail sur le corps féminin qu’elle mène depuis de nombreuses années. Répéter, ritualiser, fuir son corps pour mieux se le réapproprier.

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Il y a des fois où le hasard des programmations fait bien les choses, où le temps d’une performance les grands esprits se rencontrent. L’alignement des astres s’est produit en fin de semaine dernière lorsque dans la grande salle de Centre Pompidou se sont trouvés réunis notre dossier thématique du mois, les danseuses troublantes d’Alexandra Bachzetsis et le spectre de Judith Butler.

Massacre: Variations on a theme ne devait pas figurer au sommaire de notre dossier consacré au genre. Heureuse coïncidence, il a pourtant bel et bien sa place parmi les papiers concoctés avec soin par vos chroniqueurs préférés. Dans cette pièce pour trois danseuses et deux pianos (!), Alexandra Bachzetsis explore une fois encore la manière dont le corps féminin est représenté, décortique les gestes et les rituels au travers desquels les stéréotypes liés aux genres ont été répétés, renforcés et déconstruits. Elle prolonge ces investigations précédentes en transformant, en ces sombres temps de robotisation du monde et de “dronisation” de la violence, le corps féminin en une inquiétante forme technologique oscillant entre animisme et automatisme.

Tour à tour, ou ensemble, les trois danseuses alternent entre postures exagérément sexuelles, comportement animal et gestes dont la répétition frôle l’épuisement. Véritable traduction en mouvement des images du corps véhiculées culturellement, la chorégraphie – mais s’agit-il vraiment de cela ? – convoque un large spectre de l’histoire de la danse : twerk, danses tribales, tarentisme, nul ne manque à l’appel. La curiosité de Bachzetsis à l’égard de l’interaction corps/machine ne laisse aucune place à l’improvisation : bruyant puis silencieux, sons et mouvements s’harmonisent étroitement. Huilée jusque dans les moindres couacs, la mécanique est si bien rodée que la perfection de l’entremêlement des corps et des instruments – mais les corps ne sont-ils pas eux-mêmes des instruments ? – risque de céder le pas à l’écœurement lorsque s’ajoutent dans ses rouages des objets – gants, chaussures recouvertes de ruban adhésif, etc – pour le moins superflus.

Ces objets en général, un miroir en particulier, ont du moins le mérite, s’il en était encore besoin, de donner au propos de Bachtzetsis encore davantage de lisibilité. Et c’est peut-être dans cette ostentation et dans cette outrance non simulées que la performance se présente sous son véritable nom: un massacre douloureux, mais un massacre puissamment troublant.

Visuel: © Julia Born

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