Danse
June Events : Soirée d’ouverture mitigée à la Cartoucherie

June Events : Soirée d’ouverture mitigée à la Cartoucherie

06 June 2016 | PAR Marianne Fougere

Alors que Paris est à deux doigts d’être noyée sous les flots, le festival June Events résonne comme un acte d’insolence : danse de la pluie pour que l’été arrive enfin en ce mois de juin!

Sortir du cadre, tel semble être, depuis dix ans, le mot d’ordre de June Events. Fondé à l’origine par Carolyn Carlson, ce festival autorise la danse contemporaine à toutes les excentricités, à tous les défis. La diversité des propositions programmées promet une dixième édition réjouissante et alléchante : des liens entre danse et musique explorés par Hauert, Le Pladec ou Richard, à la carte blanche confiée à Liz Santoro et Pierre Godard en passant par le carnaval névrotique de Marlene Monteiro Freitas ou la géométrie mouvementée d’un Radouan Mriziga, June Events a de fortes chances d’être, jusqu’au 18 juin, l’unique boule à facettes capable d’illuminer et d’électriser nos soirées.

Programmé à 18h30, c’est sur les coups de 19h que la création de Chloé Hernandez et Orin Camus nous prend par surprise à l’extérieur de l’Atelier de Paris. Couple à la ville comme à la scène, ces deux jeunes chorégraphes formés au Conservatoire de Toulouse offrent une danse hors des sentiers battus. Entreprise de réhabilitation du discours amoureux, Next Couple revendique, sous la forme de fragments, une danse sensuelle, physiquement engagée voire émoustillante. Croisant librement la gestuelle hip-hop au minimalisme de la danse contemporaine, les deux complices nous emportent dans l’élan de leurs étreintes fougueuses et, à l’image de leurs portés, la température augmente très vite de quelques degrés. En bref, un joli frisson dont on regrette seulement la brièveté, à peine le temps d’un baiser volé.

55 minutes telle est la durée du solo créé par Radouan Mriziga, chorégraphe marocain passé par  les bancs de l’école bruxelloise P.A.R.T.S d’Anne Teresa De Keersmaeker. Fondée sur la déclinaison du chiffre 5, cette création rompt radicalement avec l’espace de respiration instauré sur le pavé par Hernandez et Camus quelques minutes auparavant. 5 comme cinq magnétos à cassettes qui, délivrant des bribes de sons, se répondent à l’unisson des mesures battues par l’artiste ou prises à l’aide de son corps. Fragmentation, sérialité et répétition sont à l’œuvre dans ce quadrillage presque obsessionnel de l’espace. Mais également dédoublement : l’artiste/géomètre arpente le plateau en longues enjambées usant de son corps comme d’un outil pour donner forme à un motif complexe, à la croisée des lignes minimales et des arabesques de l’ornement oriental. Entièrement dévoué à sa tâche, Mriziga ne prête aucune attention au parterre de public qui l’encercle ; troublant pour une approche architecturale de la danse qui se dit attentive aux interactions entre spectateurs et artiste… Quand enfin, l’architecture mobile, fixée sur le sol à coup de bandes adhésives, se matérialise sous nos yeux tout à la fois ébaubis et interdits, on ignore que penser de cette performance qui sans sous-texte explicatif reste quelque peu illisible. S’inspirer des artisans pour s’interroger sur la manière de prendre la dimension de l’espace, de l’éprouver corporellement est en soi une bonne intuition, sa concrétisation s’avère cependant plus délicate. Fascinante performance de 55 minutes diront les uns ; ennui profond répondront les autres en moins de 5 secondes.

Cette soirée d’ouverture se clôturait sur la pièce pour six danseurs de Thomas Hauert, représentation à laquelle nous n’avons malheureusement pas pu assister. Inaudible témoigne de la conviction du chorégraphe à l’égard du potentiel inépuisable que représente la musique pour la création chorégraphique. Si les danseurs ont beaucoup à apprendre des musiciens, nous autres spectateurs avons sans doute beaucoup à apprendre des télescopages en cascade entre danse et œuvres musicales.  Aussi, nous tarde-t-il de revenir au plus vite à la Cartoucherie et découvrir notamment une nouvelle pièce de Maud Le Pladec. Rendez-vous pris donc pour la représentation de Concrete, le 14 juin prochain.

June Events

Du 3 juin 2016 au 18 juin 2016

Atelier de Paris – Carolyn Carlson

Route du Champ de Manœuvre, 75012 Paris

Tél : 0141741707

www.atelierdeparis.org

Visuels : ©Beniamin-Boar

Gregory Porter : « Take me to the Alley »
PUGGY « Colours »
Marianne Fougere

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